Haad Cha­lok­lum, Tsu­na­mi hazard zone

Haad Cha­lok­lum, Tsu­na­mi hazard zone

Haad Cha­lok­lum. Petite sta­tion bal­néaire tout au nord de Ko Phan­gan, der­nier point sur la route ouest de l’île. Pour conti­nuer à l’est, trois pos­si­bi­li­tés ; il faut reve­nir sur Thong Sala par la route, c’est-à-dire tout au sud, ou alors prendre un taxi-boat pour rejoindre les plages plus à l’est. Der­nière solu­tion, tra­ver­ser la bar­rière mon­ta­gneuse qui découpe l’île en deux sur sa par­tie la plus sep­ten­trio­nale, quitte à affron­ter une forêt inhos­pi­ta­lière et dense que, par­tout, on vous décon­seille for­te­ment de péné­trer. C’est dire si Cha­lok­lum fait figure de bout du monde. Un bout du monde bat­tu par le vent char­gé d’eau qui se déverse en trombes sur cette petite anse où les pêcheurs de cala­mars ont élu domi­cile pour leur activité.

4 - Carnet de Thaïlande - 01 - Haad Chaloklum

4 - Carnet de Thaïlande - 03 - Haad Chaloklum

Sur la côte, on vous pré­vient gen­ti­ment que vous êtes dans une zone sou­mise aux tsu­na­mis et qu’en cas de pro­blèmes, un sys­tème de sirène vous alerte et vous enjoint de rejoindre à toute vitesse les hau­teurs. Le décor est plan­té. On est ici sou­mis au dan­ger de la mer, de la nature toute puis­sante dans un décor de rêve, à l’ombre des coco­tiers et sur le sable fin, dans une eau qui frise les 30°C.

4 - Carnet de Thaïlande - 05 - Haad Chaloklum

4 - Carnet de Thaïlande - 07 - Haad Chaloklum

Cha­lok­lum, c’est deux ou trois rues bor­dées de com­merces tenus dans des cabanes en tôle ondu­lée, des épi­ce­ries qui ne disent pas leur nom, des baraques de pêcheurs, quelques petits res­tau­rants qui ne paient pas de mine et au milieu de tout ce petit monde, un temple, le Wat Cha­lok­lum. Impres­sion­né par les lieux de ce petit endroit sans pré­ten­tion, je n’ai même pas osé entrer ; cer­tai­ne­ment parce que j’é­tais trem­pé comme une soupe, rin­cé par une averse qui sem­blait ne jamais vou­loir s’ar­rê­ter. C’est aus­si la pre­mière fois que je suis confron­té de plein fouet à cette reli­gion que je connais mal et qui adore, en plus d’un Boud­dha omni­pré­sent, des mil­liers d’êtres spi­ri­tuels aux qua­li­tés pas toutes recommandables.

La mer a cette tris­tesse des len­de­mains de jours d’ex­cès, lorsque la pluie revient ; la plage garde les stig­mates d’une nuit trop agi­tée, à la limite de la nau­sée. Une simple balan­çoire accro­chée à un pal­mier pen­ché au-des­sus du sable semble attendre qu’on joue avec elle, comme une petite fille aban­don­née. L’a­gi­ta­tion de la houle empêche visi­ble­ment les bateaux de sor­tir, alors que tout sem­blait si ani­mé lorsque je suis pas­sé ici avant de rejoindre l’hô­tel. Pour­tant ici, le sol sèche vite après la pluie, mais l’a­gi­ta­tion de la mer tra­hit que la nature est bien plus per­verse qu’une simple ondée, qu’elle est bien plus per­ni­cieuse qu’il n’y paraît.

4 - Carnet de Thaïlande - 08 - Haad Chaloklum

Sur le front de mer, des claies sont sus­pen­dues à un mètre du sol sur un ter­rain où rien ne pousse. Si je ne les avais pas vues la veille, je n’au­rais jamais su ce qu’on y fai­sait ; ce sont en fait des cadres de bois sur les­quels on tend des filets de pêche tout fins et sur les­quels sèchent les cala­mars frai­che­ment péchés et salés. Une odeur de mort flotte dans l’air. J’i­ma­gine par­fai­te­ment les pauvres petites bêtes sécher au soleil tor­ride de Thaï­lande, leurs sucs gout­tant dans le sol meuble au fur et à mesure de leur lente des­sic­ca­tion pour finir sur les mar­chés ambu­lants de Bang­kok, fins comme des cartes à jouer trans­lu­cides, cro­quants comme des chips de pomme de terre.

4 - Carnet de Thaïlande - 09 - Haad Chaloklum

4 - Carnet de Thaïlande - 34 - Haad Chaloklum

Assise sur le rebord en béton, une femme que la soixan­taine a cueillie plus rapi­de­ment qu’elle ne l’a­vait ima­gi­né, a lais­sé ses chaus­sures der­rière elle pour regar­der la mer cla­po­ter sous les pon­tons, à l’ombre d’un jac­quier impo­sant mena­çant de lais­ser tom­ber ses énormes fruits aux mil­liers de petits piquants. Elle semble si triste et si sereine à la fois qu’elle attire inévi­ta­ble­ment sur elle une ombre de sympathie.

4 - Carnet de Thaïlande - 32 - Haad Chaloklum

4 - Carnet de Thaïlande - 13 - Haad Chaloklum

Dans une petite épi­ce­rie au bord de la route, j’a­chète des petits citrons verts qu’on appelle ici manao (มะนาว, Citrus auran­tii­fo­lia), des feuilles de com­ba­va (มะกรูด, Citrus hys­trix) et des ciga­rettes de tabac rou­lé qu’on appelle che­roots. On trouve de tout et de rien dans ce petit han­gar sur­char­gé d’é­ta­gères, de la cas­se­role en fer blanc au paquet de mou­choirs, en pas­sant par des fruits et légumes à l’as­pect pas tou­jours reconnaissable.

4 - Carnet de Thaïlande - 16 - Haad Chaloklum

4 - Carnet de Thaïlande - 23 - Haad Chaloklum

Dans l’en­ceinte du temple, il com­mence à pleu­voir des trombes, l’a­verse bat son plein tan­dis que les mon­tagnes envi­ron­nantes s’en­tourent de nuages épais aus­si sta­tiques que des boud­dhas endor­mis. Je trouve refuge sous un abri qui est en réa­li­té une salle de mas­sage en plein air. Un vieux bon­homme avec un balai à la main m’in­vite à me mettre à l’a­bri dans son antre autour de laquelle sont accro­chés par des fils de fer des épi­phytes logées dans des petits pots en alu­mi­nium, don­nant au lieu un air aérien et tro­pi­cal. Tout autour de l’en­ceinte du temple sont dis­po­sées des niches où reposent les sou­ve­nirs des ancêtres accom­pa­gnés le plus sou­vent d’une petite pho­to enca­drée, fai­sant pla­ner une onde de res­pec­ta­bi­li­té sur les lieux, déjà empreints de la quié­tude qui sied aux lieux de croyances. Un moine replet passe tran­quille­ment sous son para­pluie pour aller fer­mer les volets du temple avant de retour­ner tout aus­si tran­quille­ment de là où il est arri­vé, pas­sant à côté d’un kiosque où dorment de mau­vais gar­çons mous­ta­chus accom­pa­gnées de chiens tout aus­si mau­vais qui semblent faire la révé­rence à l’homme habillé de safran. Le vieux du salon de mas­sage me parle en me mon­trant la pluie, sem­blant me dire que ça ne s’ar­rête pas. Effec­ti­ve­ment, ça ne s’ar­rête pas et je me décide enfin à retour­ner à l’é­pi­ce­rie où je trou­ve­rai un pon­cho plas­tique fabri­qué au Vietnam.

4 - Carnet de Thaïlande - 24 - Haad Chaloklum

4 - Carnet de Thaïlande - 27 - Haad Chaloklum

4 - Carnet de Thaïlande - 20 - Haad Chaloklum

Dans un des petits res­tau­rants d’une autre rue, je m’at­table pour déjeu­ner d’un tom kha kaï et d’un pad thaï pré­pa­rés dans une cui­sine de for­tune à côté de la chambre du bébé, une chambre aveugle et chao­tique. Le fils qui n’a pas cinq ans va ache­ter des fruits à l’é­pi­ce­rie d’en face, tan­dis que la petite fille, plus jeune encore, s’ex­ta­sie devant un karao­ké qui passe à la télé. A la fin du repas, le père me pro­pose de me rame­ner à Haad Salad avec sa voi­ture pour un prix tout à fait modeste.

4 - Carnet de Thaïlande - 29 - Haad Chaloklum

Le temps s’é­tire à Haad Cha­lok­lum tan­dis que la plage attend sage­ment les ravages d’un tsu­na­mi. Il n’y a rien à faire ici à part regar­der le temps pas­ser et la pluie s’é­cra­ser en grosses gouttes sur les feuilles d’un beau vert tendre des bana­niers. De temps en temps, on entend les noix de coco tom­ber dans un bruit sourd de toute leur hau­teur dans l’herbe grasse où paissent des buffles gras. Même les chiens s’en­nuient ferme, l’œil à moi­tié fer­mé pen­dant qu’ils dorment sur le bord de la route, et par­fois même au beau milieu des car­re­fours. Il va fal­loir que j’ap­prenne à goû­ter de ce temps qui ne s’é­coule pas d’une manière connue.

4 - Carnet de Thaïlande - 36 - Haad Chaloklum

Voir toutes les pho­tos de Haad Cha­lok­lum sur Fli­ckr.

Read more