En sui­vant la Sûre et l’Our jus­qu’à Vianden

En sui­vant la Sûre et l’Our jus­qu’à Vianden

Arri­ver jus­qu’à Vian­den n’a pas été une mince affaire. En par­tant d’Ech­ter­nach, j’ai vou­lu faire le malin en pas­sant la fron­tière vers l’Al­le­magne. Du coup j’ai réus­si à me perdre en pas­sant un grand pont qui m’a mené dans la petite ville d’Ech­ter­na­cher­brück et dont je n’ai pas vrai­ment réus­si à sor­tir autre­ment qu’en en sor­tant de la même manière que j’y étais arri­vé. Des tra­vaux m’ont pas­sa­ble­ment com­pli­qué le pas­sage. Ce n’est bien plus tard que je me suis aper­çu qu’un petit pont situé à quelques mètres du par­king où j’é­tais garé m’au­rait per­mis de contour­ner les tra­vaux et ain­si mon­ter vers le nord faci­le­ment. J’ai donc emprun­té la route qui longe la Sûre, une route agréable et calme qui per­met de prendre le temps. Arri­vé à Bol­len­dorf, en pas­sant sim­ple­ment le pont, on est en Alle­magne, et c’est ici que je me perds dans la cam­pagne boi­sée et sombre, lon­geant tou­jours le cours de la rivière (qu’à force de remon­ter on finit par chan­ger de cours pour son affluent, l’Our, à Wal­len­dorf), tra­ver­sant un bois pour retom­ber sur les hau­teurs de la val­lée de la Sûre, puis les petits vil­lages de Bies­dorf et de Kruch­ten, et fina­le­ment, je me rends compte que je ne maî­trise plus grand-chose. Je me laisse por­ter par les pan­neaux indi­ca­teurs, repas­sant encore la fron­tière après l’a­gréable bourg de Kör­pe­rich et les lacets des routes de mon­tagne près de Roth-an-der-Our.

Vianden (Luxembourg) - 02 - Vallée de l'Our

Vianden (Luxembourg) - 05 - Château

Vianden (Luxembourg) - 06 - Château

En cette fin d’a­près-midi, j’ar­rive dans la petite ville encais­sée sur les deux rives de l’Our, dans laquelle au début du siècle der­nier on pou­vait encore trou­ver des pièges à sau­mons. La ville est humide, un peu vieillotte. Si mes sou­ve­nirs d’i­ci res­tent par­cel­laires, j’ai l’im­pres­sion de reve­nir bien des années en arrière, comme si presque rien n’a­vait chan­gé. Une fois de plus, je suis sur les terres d’un homme dont je peux suivre les traces ; après Guer­ne­sey, c’est ici que je marche dans les pas de Vic­tor Hugo. On sent encore son ombre se fau­fi­ler dans les petites rues de la ville jus­qu’aux pieds des contre­forts du Schloss Vian­den. Le seul sou­ve­nir vivace, c’est la pis­cine de cet hôtel que j’ai réus­si à retrou­ver, au moins sur les images d’in­ter­net, mais sur place, j’a­ban­donne, je ne recon­nais plus rien. L’hô­tel n’a peut-être même plus de piscine.

Je gare ma voi­ture dans la mon­tée qui sert de par­king, tout au bout de la ville. C’est une route qui dégou­line d’hu­mi­di­té où les voi­tures attendent sage­ment sous les fron­dai­sons de chênes immenses. Une petite mai­son est à vendre. Une bar­rière devant un esca­lier qui grimpe sec sur le flanc du rocher, une mai­son toute simple accro­chée là à cin­quante mètres de la rue, encore en bon état mais per­due dans les arbres, à l’é­cart du monde ; je ne sais pas pour­quoi mais je m’y ima­gine bien.

Le châ­teau de Vian­den est construit sur un piton rocheux qui domine toute la val­lée de l’Our. C’est une grande bâtisse construite tout en lon­gueur, dans un style néo-gothique qu’on sent assez récent. Si le châ­teau existe, pas sous sa forme actuelle, depuis le milieu du Vème siècle (c’est donc d’a­bord un petit châ­te­let romain construit sur le ter­ri­toire du royaume des Francs, ce qui en fait donc un des plus anciens châ­teaux d’Eu­rope), il est res­té très long­temps à l’a­ban­don. Les cartes pos­tales du pre­mier quart du XXème montrent un ensemble de ruines des­quelles n’é­mergent qu’un reste de tour, une cha­pelle et des murs plus ou moins hauts ; un pay­sage de déso­la­tion qu’on a du mal à ima­gi­ner lors­qu’on regarde le châ­teau tel qu’il est aujourd’hui. Le tra­vail de recons­ti­tu­tion est tout sim­ple­ment admi­rable. Fief des comtes de Vian­den puis de la famille d’O­range-Nas­sau, actuelle famille régnante des grands ducs de Luxem­bourg, il n’est plus pro­prié­té de la famille grand-ducale depuis 1977, date à laquelle il est ver­sé au compte des pro­prié­tés d’é­tat. Le Grand-Duc de Luxem­bourg actuel est Hen­ri Albert Gabriel Félix Marie Guillaume de Nas­sau (branche de Bour­bon-Parme), qui règne depuis l’ab­di­ca­tion de son père Jean en 2000.

Grandes armoiries d'Henri - Grand-Duc de Luxembourg
Grandes armoi­ries d’Hen­ri — Grand-Duc de Luxembourg

Écar­te­lé, aux I et IV de Luxem­bourg qui est bure­lé d’argent et d’azur, au lion de gueules, la queue four­chue et pas­sée en sau­toir, armé, lam­pas­sé et cou­ron­né d’or, aux II et III de Nas­sau qui est d’azur semé de billettes d’or, au lion cou­ron­né du même, armé et lam­pas­sé de gueules, sur le tout en cœur de Bour­bon de Parme qui est d’azur à trois (deux, une) fleurs de lys d’or à la bor­dure de gueules char­gée de huit coquilles d’argent posées en orle. L’écu est tim­bré d’une cou­ronne royale et entou­ré du ruban et de la croix de l’Ordre de la Cou­ronne de Chêne.
Les sup­ports sont à dextre un lion cou­ron­né d’or, la tête contour­née, la queue four­chue et pas­sée en sau­toir, armé et lam­pas­sé de gueules, à senestre un lion cou­ron­né d’or, la tête contour­née, armé et lam­pas­sé de gueules, chaque lion tenant un dra­peau luxem­bour­geois fran­gé d’or.
Le tout est posé sur un man­teau de pourpre, dou­blé d’hermine, bor­dé, fran­gé et lié d’or et som­mé d’une cou­ronne royale, les dra­peaux dépas­sant le manteau.

Plan du château de Vianden (Das Schloss Vianden)

Plan du châ­teau de Vian­den (Das Schloss Vianden)

L’in­té­rieur du châ­teau montre les dif­fé­rentes époques de sa construc­tion, avec notam­ment tout un pan du mur sud sur lequel on peut voir les dif­fé­rents élé­ments de rem­ploi et les couches suc­ces­sives qui nous parlent direc­te­ment de l’his­toire du monu­ment. On trouve éga­le­ment d’im­menses salles voû­tées, des cou­loirs qui sillonnent toute la lon­gueur jus­qu’à la cha­pelle sup­por­tée par une crypte aux piliers mas­sifs. La cha­pelle a été redé­co­rée de cou­leurs vives, de bleu de Prusse, de rouge brique et de jaune d’or, et de vitraux aux armoi­ries des familles qui ont pos­sé­dé les lieux. D’au­cune fenêtre on ne peut voir l’ex­té­rieur, mais je sais que d’i­ci pour­rait se trou­ver la plus belle vue, don­nant sur l’est et la vallée.

Vianden (Luxembourg) - 13 - Crypte

Vianden (Luxembourg) - 21 - Chapelle

Vianden (Luxembourg) - 23 - Chapelle

Mon lieu pré­fé­ré, où je m’at­tarde le plus, est cette salle qui n’est a prio­ri d’au­cune uti­li­té et dont le nom touche immé­dia­te­ment mon cœur : la salle byzan­tine. C’est un vaste cor­ri­dor cou­vert, ouvert au nord et au sud, fai­sant la liai­son entre la cha­pelle et les lieux de vie, au-des­sus de la salle des gardes. Ses ouver­tures sont en fait des fenêtres tri­lo­bées, devant cha­cune des­quelles se trouvent une marche et deux sièges qui sont autant d’in­vi­ta­tion à la flâ­ne­rie. D’un côté comme de l’autre, on est à une hau­teur impres­sion­nante de la val­lée sur laquelle on a une vue superbe. L’hi­ver à Vian­den doit être ter­ri­ble­ment froid et humide, et ter­ri­ble­ment beau depuis ces hau­teurs. Je m’assieds là et contemple les ter­rasses, accou­dé au soleil res­tant, per­du dans mes rêve­ries solitaires…

Vianden (Luxembourg) - 28 - Salle byzantine

Vianden (Luxembourg) - 30 - Vallée de l'Our

Vianden (Luxembourg) - 35 - Château

Le soleil com­mence à se noyer dans les der­nières heures de la jour­née et le châ­teau revêt ses habits cou­leurs de renard. Je retourne à la voi­ture, repas­sant devant la petite mai­son aban­don­née dans la forêt, sur la pente, orien­tée plein nord ; elle n’a jamais vu le soleil. Il fait ici une fraî­cheur surréaliste.
Il est encore trop tôt pour ren­trer à Luxem­bourg et l’Al­le­magne à quelques kilo­mètres me fait des ronds de jambe. Je pour­rais aller à Bit­burg, mais à part sa bière, je doute que la ville soit vrai­ment inté­res­sante. Sans savoir réel­le­ment où je vais atter­rir, j’emprunte les petites routes qui tra­versent des vil­lages sans âmes qui vivent et dont le charme laisse pen­ser que l’hi­ver doit y être dou­lou­reux de soli­tude. Sans être un pay­sage réel­le­ment mon­ta­gneux, il est suf­fi­sam­ment encais­sé pour qu’on s’y perde faci­le­ment dans la neige. Les noms de vil­lages défilent en lais­sant comme une trace dans mon esprit : Hüt­tin­gen bei Lahr, Nus­baum, Schank­wei­ler, Hol­sthum, Prüm­zur­lay, Nie­der­weiss, Aach, les noms s’é­grènent ten­dre­ment dans ces sono­ri­tés rugueuses jus­qu’à arri­ver à Trier (Trêves) aux der­nières heures du jour.

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Voir les 35 pho­tos de Vian­den sur Fli­ckr.

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