Et Andrea lais­sa tom­ber le pin­ceau devant le génie de Léonard…

Et Andrea lais­sa tom­ber le pin­ceau devant le génie de Léonard…

Andrea del Verrocchio et Leonardo da Vinci - Le baptême du Christ - 1472-75 - 177 × 151 cm - Galerie des Offices - Florence

Andrea del Ver­roc­chio et Leo­nar­do da Vin­ci — Le bap­tême du Christ — 1472–75 — 177 × 151 cm — Gale­rie des Offices — Florence

C’est en tout cas ce que pré­tend la légende col­por­tée depuis Gior­gio Vasa­ri, depuis la rédac­tion de ses Vite en 1550… Au-delà de la légende, on sait depuis bien long­temps que l’ange de gauche sur le tableau d’Andrea del Ver­roc­chio, Le bap­tême du Christ, peint entre 1472 et 1475 n’est pas réel­le­ment de l’au­teur qui a signé, mais de son élève le plus talen­tueux, un cer­tain Leo­nar­do da Vin­ci. Ain­si Vasa­ri reporte-t-il cette petite légende :

Son très jeune dis­ciple, Léo­nard de Vin­ci, y pei­gnit un ange bien meilleur que tout le reste. Puisque Léo­nard, mal­gré sa jeu­nesse, l’a­vait ain­si sur­pas­sé, Andrea déci­da de ne plus jamais tou­cher un pinceau.

Andrea del Verrocchio et Leonardo da Vinci - Le baptême du Christ (détail des anges) - 1472-75 - 177 × 151 cm - Galerie des Offices - Florence

Andrea del Ver­roc­chio et Leo­nar­do da Vin­ci — Le bap­tême du Christ (détail des anges) — 1472–75 — 177 × 151 cm — Gale­rie des Offices — Florence

Tan­dis que l’ange de Leo­nar­do regarde le visage du Christ bap­ti­sé par Jean-Bap­tiste, celui de Ver­roc­chio regarde l’ange de Leo­nar­do, d’un air peut-être un peu soup­çon­neux (et pas vrai­ment dans l’axe de son sujet). Celui de Leo­nar­do, s’il semble regar­der effec­ti­ve­ment le Christ, est un regard qui regarde ailleurs, presque déjà loin­tain, au-delà de tout ce que l’autre est capable de com­prendre. Une belle image illus­trée des rap­ports entre les deux peintres.

Avec cette liber­té que prend Vasa­ri en appe­lant ces maîtres par leur pré­nom, il forge à jamais la répu­ta­tion de Léo­nard, tout en enter­rant pré­co­ce­ment Ver­roc­chio, bien loin d’être mort. A cette époque, on tra­vaille en ate­lier et le maître n’est sou­vent pas à l’o­ri­gine de toutes ses pièces, qui sont retra­vaillées pen­dant des années, retou­chées, refaites, refon­dues, etc. En l’oc­cur­rence, on peut obser­ver au moins trois mains sur cette œuvre. La pré­sence de l’ange aux côtés du pal­mier a de quoi sur­prendre tant la fac­ture de l’un semble sen­sible et l’autre gros­sière. Ver­roc­chio, lui, se consa­cre­ra essen­tiel­le­ment par la suite à ses arts de pré­di­lec­tion ; la sculp­ture et l’or­fè­vre­rie. Alors la pein­ture, hein, il pou­vait bien lais­ser cela à plus expert que lui…

Andrea del Verrocchio et Leonardo da Vinci - Le baptême du Christ (détail des drapés) - 1472-75 - 177 × 151 cm - Galerie des Offices - Florence

Andrea del Ver­roc­chio et Leo­nar­do da Vin­ci — Le bap­tême du Christ (détail des dra­pés) — 1472–75 — 177 × 151 cm — Gale­rie des Offices — Florence

L’oeuvre est assez hété­ro­clite avec toutes ces mains qui lui sont pas­sées des­sus. Selon les spé­cia­listes, dont fait par­tie Ken­neth Clark (Leo­nard de Vin­ci, 1967), l’ange en entier a été peint par Leo­nar­do ; cela se voit sur­tout dans le dra­pé de la robe de l’ange, un dra­pé sur un tis­su très rigide, sans sou­plesse, comme s’il était empesé.

Ce qui est le plus éton­nant dans cette œuvre, c’est le pay­sage, un pay­sage qui n’est pas du tout dans la tra­di­tion des arrière-plans peints à cette époque, et c’est ici qu’on se rend compte que Leo­nar­do ne s’est pas conten­té de peindre un ange sur le tableau du maître. On voit clai­re­ment ici les pré­mices de ce que sera le pay­sage accom­pa­gnant le por­trait de la Joconde.

Leonardo da Vinci - La Joconde (1503-1506) - Paysage droit - Le Louvre - Paris

Leo­nar­do da Vin­ci — La Joconde (1503–1506) — Pay­sage droit — Le Louvre — Paris

Leonardo da Vinci - La Joconde (1503-1506) - Paysage gauche - Le Louvre - Paris

Leo­nar­do da Vin­ci — La Joconde (1503–1506) — Pay­sage gauche — Le Louvre — Paris

Ce qui atteste de l’au­then­ti­ci­té de ce pay­sage de la main de Leo­nar­do, c’est un des­sin qu’on trouve dans la Gale­rie des Offices de Flo­rence, un des­sin datant du 5 août 1473, haché et ner­veux, signé du futur peintre, repro­dui­sant une vue clas­sique de l’Ar­no, tel qu’on avait l’ha­bi­tude de l’employer dans les pein­tures flo­ren­tines de cette période.

Leonardo da Vinci - Paysage de la vallée de l'Arno - 1473 - Galerie des Offices - Florence

Leo­nar­do da Vin­ci — Pay­sage de la val­lée de l’Ar­no — 1473 — Gale­rie des Offices — Florence

Andrea del Verrocchio et Leonardo da Vinci - Le baptême du Christ (détail du paysage) - 1472-75 - 177 × 151 cm - Galerie des Offices - Florence

Andrea del Ver­roc­chio et Leo­nar­do da Vin­ci — Le bap­tême du Christ (détail du pay­sage) — 1472–75 — 177 × 151 cm — Gale­rie des Offices — Florence

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