Kecak à Ubud, chœurs, danse du feu et transe (car­net de voyage sonore)

Kecak à Ubud, chœurs, danse du feu et transe (car­net de voyage sonore)

Ubud…
Je me fait abor­der par un type à la peau noire buri­née, por­tant sarong rouge et blanc et che­mise à manche courte, tan­dis que je sors du Pura Taman Kemu­da Saras­wa­ti, un peu per­du dans cette ville dans laquelle je n’ar­rive pas à me repé­rer. Il me dit que ce soir il y a un spec­tacle de kecak, « fire dance ». Tou­jours un peu sur la défen­sive, je regarde sa bro­chure et lui demande un peu en quoi ça consiste, mais il ne me dit que « fire dance ». J’ai lu avant de par­tir qu’il ne fal­lait pas venir à Ubud sans voir au moins un de ces fabu­leux spec­tacle de danse ou de chant bali­nais. Évi­dem­ment, ce sont les tou­ristes qui pro­fitent essen­tiel­le­ment de ces exhi­bi­tions, mais en y regar­dant de plus près, on voit à quel point les Bali­nais sont fiers de per­pé­tuer une tra­di­tion ancienne et pour ceux qui font par­tie des troupes de dan­seurs et de chan­teurs, c’est une véri­table pas­sion qu’ils par­tagent géné­ra­le­ment avec un autre emploi la jour­née. J’ai pris un taxi le len­de­main du spec­tacle et le chauf­feur, lors­qu’il m’a deman­dé ce que j’a­vais fait la veille, m’a dit qu’il fai­sait par­tie de la troupe dont j’a­vais assis­té à la repré­sen­ta­tion. J’en ai pro­fi­té pour lui deman­der pour­quoi il fai­sait par­tie de cette troupe et il s’est mon­tré inta­ris­sable sur le sujet.
Le coquin réus­sit à me vendre un ticket pour m’y rendre. Il m’ex­plique vague­ment com­ment trou­ver le temple. Le soir venu, je m’y rends en pen­sant être large sur l’ho­raire, mais c’é­tait sans comp­ter que les esti­ma­tions de dis­tance qu’il m’a­vait four­ni s’a­vé­raient un peu opti­miste. Je finis par cava­ler un peu pour ne pas rater le début. Je finis par deman­der mon che­min, pas très cer­tain de l’en­droit où je me trouve. Tout le monde ici connaît le kecak qu’on ne joue qu’au Pura Dalem Taman Kaja.

Voir un spec­tacle de Kecak est une expé­rience hors du com­mun. S’ins­pi­rant des textes du Ramaya­na, ces ensembles ne sont com­po­sés que de chan­teurs, une cen­taine envi­ron, scan­dant des chants enivrants où le thème prin­ci­pal est chan­té au rythme des “tcha­kat­cha­kat­cha­kak” qui ont don­né le nom au genre. Il y est ques­tion de singes enga­gés dans une lutte contre un démon, tout cela autour d’une colonne où sont allu­més des feux. Comme dans toutes les céré­mo­nies, un prêtre vient bénir les chan­teurs avant de com­men­cer. Tan­dis qu’ils chantent, les hommes exé­cutent des mou­ve­ments sac­ca­dés, tan­tôt assis, tan­tôt allon­gés. Dans un pro­chain billet accom­pa­gné de vidéos, je par­le­rai plus pré­ci­sé­ment du dérou­lé du spectacle.

C’est le seul type de repré­sen­ta­tion dans lequel il n’y a aucun ins­tru­ment, et éton­nam­ment, je me suis ren­du compte que cer­tains spec­ta­teurs sont sor­tis avant la fin. Au début, je me suis dit que cela ne devait pas être à leur goût, mais je me suis ren­du compte que les ritour­nelles agissent for­te­ment sur l’é­tat de conscience et que cer­tains des chan­teurs étaient en transe. La ryth­mique répé­ti­tive est un des élé­ments qui per­met de modi­fier l’é­tat de conscience dans les rituels cha­ma­niques et j’i­ma­gine par­fai­te­ment que cer­taines per­sonnes puissent être irri­tées par les chants, comme on peut l’être par­fois au son répé­ti­tif d’une percussion.

Voi­ci ici qua­si­ment l’in­té­gra­li­té du spec­tacle à l’é­coute pour s’im­pré­gner de cette ambiance si par­ti­cu­lière à la lumière de quelques torches, par une belle soi­rée nuit balinaise.

Pura Taman Kemuda Saraswati - Kecak

Béné­dic­tion des chan­teurs par le prêtre

Pura Taman Kemuda Saraswati - Kecak - Danseuses

Dan­seuses

Pura Taman Kemuda Saraswati - Kecak - Maître de cérémonie

Danse du démon. Le maître de céré­mo­nie est juste à gauche de la colonne de feu

Pura Taman Kemuda Saraswati - Kecak - Chanteurs

Lorsque le démon passe, les hommes s’al­longent, sym­bo­li­sant la mort des singes

Pura dalem taman kaja (localisation)

Loca­li­sa­tion du Pura Dalem Taman Kaja sur Google Maps

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Les mys­tères de la Gue­ni­zah du Caire

Les mys­tères de la Gue­ni­zah du Caire

Dans les anciens royaumes boud­dhistes, il n’est pas rare de trou­ver des caches ou des salles annexes rem­plies des sta­tues de Boud­dha ou de bod­hi­satt­vas qui ont été offerts en offrande au temple, et que les textes — ou l’é­thique — inter­disent de détruire ou de se débar­ras­ser. Il se trouve sim­ple­ment que la place finit par man­quer. De la même manière, les syna­gogues sont en règle géné­rale, si la place le per­met, équi­pées d’une petite salle ser­vant de remise pour les objets cultuels ou les écrits sur les­quels figurent au moins un des sept noms de Dieu. Puis­qu’il est inter­dit d’ef­fa­cer le nom de Dieu ou de détruire le docu­ment sur lequel il est ins­crit, il faut donc remi­ser le docu­ment dans un lieu sacré, mais à l’é­cart de l’es­pace prin­ci­pal de culte. Ain­si existent ces petites salles dans les syna­gogues qu’on appellent gue­ni­za ou gue­ni­zah (גניזה). Si le terme hébreu désigne un endroit de mise en dépôt, il signi­fie éga­le­ment pré­ser­va­tion.

Synagogue Ben Ezra (intérieur) - Le Caire

Syna­gogue Ben Ezra (inté­rieur) — Le Caire

La gue­ni­zah la plus connue est celle que l’on nomme gue­ni­zah du Caire, que l’on trouve dans une petite syna­gogue du Caire, la syna­gogue Ben Ezra. Cette syna­gogue, lieu de culte juif situé en terre d’is­lam, porte en elle une his­toire par­ti­cu­lière ; située dans un vieux quar­tier cai­rote, au des­sus du por­tail sud de la Cita­delle de Baby­lone, à deux pas du Nil, elle est construite sur le lieu exact où Moïse aurait été recueilli dans son panier aqua­tique. On trouve éga­le­ment dans les envi­rons l’é­trange et célèbre église sus­pen­due (Al-Kanî­sah al-Mu’al­la­qah) qui fut autre­fois le siège du patriar­cat copte, ain­si que le monas­tère Saint-Georges, haut lieu de l’or­tho­doxie d’Égypte. Non loin de là, on trou­vé éga­le­ment l’É­glise d’Abou Ser­ga, lieu sup­po­sé où Marie, Joseph et l’en­fant Jésus se réfu­gièrent lor­qu’­Hé­rode ordon­na l’exé­cu­tion des enfants du Royaume. En clair, dans ce Vieux Caire sont ras­sem­blées toutes les reli­gions du livre.

Les Juifs gui­dés par Jéré­mie lors de l’exode baby­lo­nienne sous Nabu­cho­do­no­sor II, y construi­sirent la pre­mière syna­gogue dans laquelle ils dépo­sèrent à l’in­té­rieur de la gue­ni­zah la Torah inache­vée du scribe Esdras (Ezra — עזרא הסופר). A plu­sieurs reprises dans son his­toire, le lieu fut dévas­té puis recons­truit, mais éton­nam­ment, la gue­ni­zah fut pré­ser­vée, ain­si que les docu­ments qui s’y trouvent. Ain­si, ce sont plus de 250 000 docu­ments, rédi­gés en hébreu, qu’on a pu mettre à jour dans cette petite salle.

Solomon Schechter étudiant les manuscrits de la guenizah de la synagogue Ben Ezra au Caire

Solo­mon Schech­ter étu­diant les manus­crits de la gue­ni­zah de la syna­gogue Ben Ezra au Caire

Le doc­teur Solo­mon Schech­ter, un éru­dit mol­dave exi­lé ensuite aux États-Unis où il fon­da le conser­va­tisme juif amé­ri­cain se fixa comme objec­tif de recen­ser les ouvrages conser­vés ici. A par­tir de 1896, il pas­sa son temps à décor­ti­quer les lignes, dans la pous­sière nocive de ce lieu éteint et secret qui alté­ra pro­fon­dé­ment sa san­té et fit des décou­vertes excep­tion­nelles. La plus impor­tante pièce de cette col­lec­tion se trouve être pré­ci­sé­ment la Torah inache­vée d’Ez­ra, mais éga­le­ment le contrat de mariage d’un rab­bin égyp­tien ayant vécu au XIIIème siècle, Avra­ham Maï­mo­nide, fils de Moïse Maï­mo­nide, célèbre rab­bin anda­lou, une Torah écrite sur une peau de gazelle remon­tant au Vème siècle AEC et enfin, deux exem­plaires d’un extrait du Manus­crit de Qum­rân qui n’a­vait pas encore été décou­vert lors du recensement.

Lettre autographe d’Avraham Maïmonide, conservée à la Gueniza du Caire

Lettre auto­graphe d’Avraham Maï­mo­nide, conser­vée à la Gue­ni­za du Caire

Tous ces docu­ments ont per­mis d’a­voir une vision pro­fonde des mœurs juifs en terre d’is­lam puisque nombre d’entre eux per­mettent de connaître la manière dont on par­lait l’a­rabe au début de la conquête de l’Égypte par les peuples arabes, mais éga­le­ment, puisque beau­coup de ces docu­ments sont des actes de la vie quo­ti­dienne admi­nis­tra­tive, de com­prendre com­ment évo­luait cette socié­té dans ces rap­ports de coha­bi­ta­tion entre les dif­fé­rentes reli­gions. La syna­gogue telle qu’on peut la voir aujourd’­hui a été réno­vée il y a peu, mais la majeure par­tie du bâti­ment est iden­tique à la syna­gogue recons­truite en 1115, ce qui en fait une des plus anciennes syna­gogues du monde. Aujourd’­hui, la tota­li­té des docu­ments sont dis­per­sés et conser­vés dans des biblio­thèques amé­ri­caines ou anglaises.

Synagogue Ben Ezra - Le Caire

Syna­gogue Ben Ezra — Le Caire

Synagogue Ben Ezra (localisation) - Le Caire

Loca­li­sa­tion de la Syna­gogue Ben Ezra du Caire sur Google Maps

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