L’a­po­théose de Saint Pan­ta­léon de Nico­mé­die et la chute de Fumiani

Si tou­te­fois on cherche la plus grande œuvre sur toile au monde, il ne fau­dra pas regar­der du côté du Louvre, ni même des scuole véni­tiennes, mais dans une église peu visi­tée de la Séré­nis­sime, la petite Chie­sa di San Pan­ta­leone Mar­tire (Eglise de Saint Pan­ta­lon — ou Pan­ta­leon — mar­tyr), coin­cée entre deux façades du Dor­so­du­ro et sur laquelle on peut encore voir les trous de bou­lin sur le pignon.
L’é­glise n’est pas bien grande mais son pla­fond a été magni­fié par un peintre baroque mineur de Venise, Gian Anto­nio Fumia­ni, dont l’his­toire est presque aus­si tra­gique que celle du Saint dont il s’est fait le porte-parole. Entre 1680 et 1704, c’est-à-dire pen­dant 24 ans, il va peindre une toile, ou plu­tôt plu­sieurs toiles jus­qu’à en recou­vrir tota­le­ment le pla­fond ; l’œuvre mesure au total 50mx25m. Un tra­vail colos­sal qui donne à l’é­glise une pers­pec­tive hors du commun.

Gian Antonio Fumiani - Apothéose de Saint Pantaléon - Chiesa di San Pantalon martire - 1680 à 1704 - Venise

Gian Anto­nio Fumia­ni — Apo­théose de Saint Pan­ta­léon — Chie­sa di San Pan­ta­lon mar­tire — 1680 à 1704 — Venise

La par­tie ver­ti­cale du pla­fond sur­plom­bant la colon­nade est rehaus­sée du pla­fond plat sur lequel est peint un trompe‑l’œil don­nant l’im­pres­sion que la sur­face cir­cons­crite au-des­sus des arches est pro­lon­gée vers le ciel d’une par­tie ouverte, don­nant elle-même vers un ciel comme seuls savaient en peindre ces artistes véni­tiens. Les per­son­nage sont peints en contre-plon­gée d’une manière abso­lu­ment écra­sante. La scène au-des­sus du chœur repré­sente le saint des­cen­dant les marches (très escar­pées) d’un palais et le ciel du pla­fond fait appa­raitre les anges des­cen­dus du fir­ma­ment pour accom­pa­gner l’a­po­théose du Saint vers le para­dis dans une mise en scène étourdissante.

Gian Antonio Fumiani - Martyre de Saint Pantaléon - Chiesa di San Pantalon martire - 1680 à 1704 - Venise

Gian Anto­nio Fumia­ni — Mar­tyre de Saint Pan­ta­léon — Chie­sa di San Pan­ta­lon mar­tire — 1680 à 1704 — Venise

Le saint dont il est ques­tion ici, Pan­ta­léon de Nico­mé­die, vécut sous l’empereur romain Maxi­mien dont il fut le méde­cin, et dénon­cé comme étant chré­tien, il fut sup­pli­cié, puis déca­pi­té. C’est de ce per­son­nage que naî­tra l’i­cône peu flat­teuse de Pan­ta­lon qu’on retrouve dans les aven­tures de la Com­me­dia dell’arte.

On peut trou­ver éga­le­ment dans cette église une autre toile, beau­coup plus modeste, mais signée Vero­nese, repré­sen­tant le saint gué­ris­sant un enfant ; une toile datant de 1587–1588.

Paolo Veronese - Conversion de Saint-Pantaléon - Chiesa di San Pantalon martire 1588 - Venise

Pao­lo Vero­nese — Miracle de Saint-Pan­ta­léon — Chie­sa di San Pan­ta­lon mar­tire 1588 — Venise

Fumia­ni, artiste mal­heu­reux, fit une chute du haut de l’é­cha­fau­dage tan­dis qu’il ter­mi­nait sa toile. Il ne la vit jamais ter­mi­née et fut enter­ré dans l’é­glise même.

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Le conte de la prin­cesse Kaguya d’I­sao Takahata

Le conte de la prin­cesse Kaguya d’I­sao Takahata

Il est sor­ti comme ça, tout dis­crè­te­ment, une semaine où les navets étaient à l’hon­neur, et c’est à peine si on en a enten­du par­ler. Isao Taka­ha­ta vient de sor­tir son der­nier film en France, Le conte de la prin­cesse Kaguya (Kaguya-hime). Contrai­re­ment à ses pré­cé­dents films, celui-ci n’est pas une ani­ma­tion colo­rée dans le droit style du stu­dio Ghi­bli comme on a pu le voir dans Pom­po­ko par exemple, un de ses films les plus colo­rés, à la fois enga­gé et très tra­di­tio­na­liste, mais un chef‑d’œuvre épu­ré à l’ex­trême ; tout ici est des­si­né au fusain, image par image et colo­ré au pas­tel, puis mon­té dans une volon­té claire de faire au plus simple. Les habi­tués des ani­ma­tions Ghi­bli y per­dront peut-être leur latin, mais ce qui en res­sort est un film qui fina­le­ment s’af­fran­chit vrai­ment du conte pour enfant et reste cruel comme savent l’être les contes tra­di­tion­nels japonais.

Le conte de la princesse Kaguya (Kaguya hime no monogatari)

Un cou­peur de bam­bou trouve un jour dans la bam­bou­se­raie du vil­lage, une toute petite fille à l’in­té­rieur d’une grosse pousse. Il la recueille et très vite elle gran­dit, beau­coup plus rapi­de­ment qu’une petite fille nor­male, et son père adop­tif, convain­cu que cette fillette lui a été envoyée pour qu’il en fasse une prin­cesse, va l’ex­traire de sa pau­vre­té et du vil­lage dans lequel elle gran­dit pour qu’elle devienne la plus grande prin­cesse de la cour. A l’aide d’or et de tis­sus qu’il trouve éga­le­ment dans la bam­bou­se­raie, il va la faire se parer des plus beaux atours du Japon afin qu’elle puisse trou­ver le plus beau par­ti de la région. Seule­ment, la jeune fille reste une petite fille de la cam­pagne et elle ne songe qu’à s’a­mu­ser et à cou­rir en tous sens. Devant la pres­sion de son père, elle fini­ra par abdi­quer et à faire ce qu’on attend d’elle.

Isao Takahata par Nicolas Guérin

Isao Taka­ha­ta par Nico­las Guérin

Dans ce film un peu long (ce qui me fait dire aus­si que 2h17 c’est un peu long pour une ani­ma­tion pour des enfants), on est fina­le­ment assez trou­blé de voir à quel point cette jeune fille aux pou­voirs sur­na­tu­rels résiste dans un pre­mier temps, abdique ensuite, pour fina­le­ment se rendre compte que son atti­tude désin­volte n’a fait que semer le trouble et la mort autour d’elle. Pour­tant, il est impos­sible de lui repro­cher quoi que ce soit, tant elle est belle et mutine. Celle qui devien­dra la prin­cesse Kaguya fini­ra par refu­ser la mis­sion qui était la sienne et ne pour­ra faire autre­ment que de retour­ner de là où elle vient.
Loin de la farce bur­lesque de Pom­po­ko ou du tra­gique allé­go­rique du Tom­beau des lucioles, ce film reste comme une perle fine, dont le des­sin empor­té est comme un pied-de-nez à la haute tech­no­lo­gie uti­li­sée en dépit du bon sens. Un très beau film qui néces­site une écoute silencieuse.

Une ver­sion du conte du Cou­peur de bam­bou.

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Söy­len­mek #3

Impos­sible de dire quand ça s’ar­rête, ni quand ça reprend, ni quand ça ralen­tit ou que ça se ter­mine, ni quand ça feint de repar­tir et que ça s’arrête.
L’en­vie de voyage est comme cer­taines périodes de la vie, l’air de rien ; il est alors impos­sible de se poser pour réflé­chir ou pour quoi que ce soit d’autre.

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Söy­len­mek #2

Il s’est pas­sé quelque chose hier soir.
Chris­tine, avec presque des san­glots dans la voix, les san­glots d’une dame fati­guée, m’embrasse et après la dis­cus­sion que nous venons d’a­voir, me dit à voix basse, sur le ton de la confidence :

Donne-moi de tes petites nouvelles…

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