L’apothéose de Saint Pantaléon de Nicomédie et la chute de Fumiani
Si toutefois on cherche la plus grande œuvre sur toile au monde, il ne faudra pas regarder du côté du Louvre, ni même des scuole vénitiennes, mais dans une église peu visitée de la Sérénissime, la petite Chiesa di San Pantaleone Martire (Eglise de Saint Pantalon — ou Pantaleon — martyr), coincée entre deux façades du Dorsoduro et sur laquelle on peut encore voir les trous de boulin sur le pignon.
L’église n’est pas bien grande mais son plafond a été magnifié par un peintre baroque mineur de Venise, Gian Antonio Fumiani, dont l’histoire est presque aussi tragique que celle du Saint dont il s’est fait le porte-parole. Entre 1680 et 1704, c’est-à-dire pendant 24 ans, il va peindre une toile, ou plutôt plusieurs toiles jusqu’à en recouvrir totalement le plafond ; l’œuvre mesure au total 50mx25m. Un travail colossal qui donne à l’église une perspective hors du commun.
La partie verticale du plafond surplombant la colonnade est rehaussée du plafond plat sur lequel est peint un trompe‑l’œil donnant l’impression que la surface circonscrite au-dessus des arches est prolongée vers le ciel d’une partie ouverte, donnant elle-même vers un ciel comme seuls savaient en peindre ces artistes vénitiens. Les personnage sont peints en contre-plongée d’une manière absolument écrasante. La scène au-dessus du chœur représente le saint descendant les marches (très escarpées) d’un palais et le ciel du plafond fait apparaitre les anges descendus du firmament pour accompagner l’apothéose du Saint vers le paradis dans une mise en scène étourdissante.
Le saint dont il est question ici, Pantaléon de Nicomédie, vécut sous l’empereur romain Maximien dont il fut le médecin, et dénoncé comme étant chrétien, il fut supplicié, puis décapité. C’est de ce personnage que naîtra l’icône peu flatteuse de Pantalon qu’on retrouve dans les aventures de la Commedia dell’arte.
On peut trouver également dans cette église une autre toile, beaucoup plus modeste, mais signée Veronese, représentant le saint guérissant un enfant ; une toile datant de 1587–1588.
Fumiani, artiste malheureux, fit une chute du haut de l’échafaudage tandis qu’il terminait sa toile. Il ne la vit jamais terminée et fut enterré dans l’église même.
- Localisation de l’Eglise San Pantalon sur Google Maps.
- Photo panoramique de l’église par Erhan Sasmaz.
Le conte de la princesse Kaguya d’Isao Takahata
Il est sorti comme ça, tout discrètement, une semaine où les navets étaient à l’honneur, et c’est à peine si on en a entendu parler. Isao Takahata vient de sortir son dernier film en France, Le conte de la princesse Kaguya (Kaguya-hime). Contrairement à ses précédents films, celui-ci n’est pas une animation colorée dans le droit style du studio Ghibli comme on a pu le voir dans Pompoko par exemple, un de ses films les plus colorés, à la fois engagé et très traditionaliste, mais un chef‑d’œuvre épuré à l’extrême ; tout ici est dessiné au fusain, image par image et coloré au pastel, puis monté dans une volonté claire de faire au plus simple. Les habitués des animations Ghibli y perdront peut-être leur latin, mais ce qui en ressort est un film qui finalement s’affranchit vraiment du conte pour enfant et reste cruel comme savent l’être les contes traditionnels japonais.
Un coupeur de bambou trouve un jour dans la bambouseraie du village, une toute petite fille à l’intérieur d’une grosse pousse. Il la recueille et très vite elle grandit, beaucoup plus rapidement qu’une petite fille normale, et son père adoptif, convaincu que cette fillette lui a été envoyée pour qu’il en fasse une princesse, va l’extraire de sa pauvreté et du village dans lequel elle grandit pour qu’elle devienne la plus grande princesse de la cour. A l’aide d’or et de tissus qu’il trouve également dans la bambouseraie, il va la faire se parer des plus beaux atours du Japon afin qu’elle puisse trouver le plus beau parti de la région. Seulement, la jeune fille reste une petite fille de la campagne et elle ne songe qu’à s’amuser et à courir en tous sens. Devant la pression de son père, elle finira par abdiquer et à faire ce qu’on attend d’elle.
Dans ce film un peu long (ce qui me fait dire aussi que 2h17 c’est un peu long pour une animation pour des enfants), on est finalement assez troublé de voir à quel point cette jeune fille aux pouvoirs surnaturels résiste dans un premier temps, abdique ensuite, pour finalement se rendre compte que son attitude désinvolte n’a fait que semer le trouble et la mort autour d’elle. Pourtant, il est impossible de lui reprocher quoi que ce soit, tant elle est belle et mutine. Celle qui deviendra la princesse Kaguya finira par refuser la mission qui était la sienne et ne pourra faire autrement que de retourner de là où elle vient.
Loin de la farce burlesque de Pompoko ou du tragique allégorique du Tombeau des lucioles, ce film reste comme une perle fine, dont le dessin emporté est comme un pied-de-nez à la haute technologie utilisée en dépit du bon sens. Un très beau film qui nécessite une écoute silencieuse.
Une version du conte du Coupeur de bambou.
Read moreSöylenmek #3
Impossible de dire quand ça s’arrête, ni quand ça reprend, ni quand ça ralentit ou que ça se termine, ni quand ça feint de repartir et que ça s’arrête.
L’envie de voyage est comme certaines périodes de la vie, l’air de rien ; il est alors impossible de se poser pour réfléchir ou pour quoi que ce soit d’autre.
Söylenmek #2
Il s’est passé quelque chose hier soir.
Christine, avec presque des sanglots dans la voix, les sanglots d’une dame fatiguée, m’embrasse et après la discussion que nous venons d’avoir, me dit à voix basse, sur le ton de la confidence :
Read moreDonne-moi de tes petites nouvelles…