L’é­glise atmosphérique

L’é­glise atmosphérique

Autre­fois, je n’ai­mais pas beau­coup lire les pré­faces, dont je ne voyais pas for­cé­ment l’in­té­rêt. Le texte ori­gi­nal est for­cé­ment plus inté­res­sant, et puis j’é­tais sou­vent dans la pers­pec­tive d’un gain de temps maxi­mum, alors la pré­face, hop, on zappe.
Pour­tant, cer­taines d’entre elles sont de véri­tables petits bijoux et en com­men­çant Route d’Oxiane de Robert Byron, je suis tom­bé sur ces mots qu’a écrit un cer­tain Bruce Chat­win, dans une pré­face solaire, d’une effi­ca­ci­té redou­table, repre­nant lui-même des mor­ceaux de textes de Byron, comme dans cet extrait :

[…] les spé­cia­listes argue­ront que, si Byron a pu faire montre de qua­li­tés lyriques cer­taines dans ses des­crip­tions, il n’a jamais été un « éru­dit » — et ils auront, en un sens, rai­son. Mais, bien sou­vent, il trans­cende la banale science par sa mys­té­rieuse facul­té de juger l’é­tat d’a­van­ce­ment d’une civi­li­sa­tion à son archi­tec­ture, et de trai­ter les édi­fices anciens et les hommes d’au­jourd’­hui comme deux aspects d’une même conti­nui­té his­to­rique. Déjà dans The Byzan­tine Achie­ve­ment, écrit à l’âge de vingt-cinq ans, on trouve quatre lignes qui en disent à peu près autant sur le schisme entre l’E­glise d’Oc­ci­dent et celle d’O­rient qu’une ran­gée de gros volumes :

L’exis­tence de Sainte-Sophie est atmo­sphé­rique ; celle de Saint-Pierre puis­sam­ment, immé­dia­te­ment, maté­rielle. L’une est une église pour Dieu ; l’autre est une salle de récep­tion pour ses repré­sen­tants. L’une est dédiée à la réa­li­té, l’autre à l’illu­sion. En fait Sainte-Sophie est grande et Saint-Pierre bas­se­ment, tra­gi­que­ment, petite.

Bruce Chat­win, pré­face, août 1980,
in Robert Byron, Route d’Oxiane,
Payot et Rivages, 2002

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