Java — jour 1

Il est temps de par­tir, et c’est vrai que c’est avec un peu de regrets que je quitte l’Île des dieux. Départ tôt, à 7h00. J’ai deman­dé à Wayan de venir me cher­cher pour m’emmener à l’aé­ro­port qui se trouve au sud de l’île et qui étran­ge­ment coupe l’île en deux à son endroit le plus étroit, ce qui signi­fie que d’un côté et de l’autre de la piste, c’est… la mer. Route fati­gante, une heure et demi de scoo­ters et de bruit assour­dis­sant, de pol­lu­tion ; l’i­mage écor­née de Bali par une cir­cu­la­tion affolante.

A l’aé­ro­port, je me rends compte que le contrôle des bagages (deux fois) se fait avec les hommes et les femmes sépa­rés. C’est assez étrange car je n’ai pas vu ça à Jakar­ta qui pour­tant est musul­mane et Bali hindoue…

L’aé­ro­port a quelque chose de pro­vin­cial, mais il sem­ble­rait qu’il soit en cours de réno­va­tion, ce qui n’est vrai­ment pas un luxe. L’a­vion part avec une demi-heure de retard, ce qui semble habi­tuel ici. Arri­vée à Yogya­kar­ta, que tout le monde appelle en réa­li­té Jog­ja (à pro­non­cer djogd­ja). A l’aé­ro­port, je récu­père ma valise sur un des deux seuls tapis rou­lants et le bal­let des taxis qui haranguent les tou­ristes com­mence. C’est épui­sant mais on finit par ne plus répondre aux sol­li­ci­ta­tions. Je finis par trou­ver le comp­toir qui énonce des prix fixes.

La ville est étrange, ce sont de longues ave­nues avec beau­coup de com­mer­çants fer­més, des devan­tures salles et pauvres. Ma pre­mière impres­sion n’est pas for­cé­ment la bonne, mais ce que je vois ne me semble a prio­ri pas enga­geant. Je pose ma valise, le per­son­nel est très gen­til. Je pro­fite un peu de la pis­cine et puis je fais une sieste de deux heures sur le lit moel­leux. A peine ai-je déci­dé de sor­tir qu’il se met à pleu­voir, mais pas qu’un peu, une petite averse qui se trans­forme en déluge. Un éclair, sui­vi d’une demi-seconde par un coup de ton­nerre assour­dis­sant, la lumière s’é­teint. Deuxième coup de ton­nerre, la lumière de secours s’é­teint, et le muez­zin qui était en train de chan­ter a aus­si la chique cou­pée. Drôle de manière de sou­hai­ter la bien­ve­nue aux étran­gers ! Je com­prends un peu mieux la pré­sence d’une lampe torche sur la table de la chambre.

Je finis par sor­tir de l’hô­tel sous la pluie, avec le para­pluie de l’hô­tel, et je tombe sur un super­mar­ché à 100 mètres en sor­tant, pour faire le plein de victuailles.

Je remonte Jalan Parang­tri­tis vers Jalan Malio­bo­ro, et ce que je vois dans cette ville me semble très étrange. Pas un seul tou­riste ou alors vrai­ment on les compte sur les doigts de la main, des gens qui me regardent soit d’un air effrayé, soit amu­sé, une véri­table attrac­tion. En fait, je me demande s’ils me regardent parce que je suis étran­ger ou si c’est parce que je marche alors qu’i­ci cela semble hal­lu­ci­nant de se dépla­cer autre­ment qu’en becak ou en taxi. J’au­rai ma réponse plus tard. Une grand place sans rien d’autres que deux immenses arbres, des ficus il me semble, entou­rés d’une clô­ture, un vide immense, le palais du Sul­tan der­rière et puis des rues dont les trot­toirs sont inexis­tants ou alors bouf­fés par les échoppes qui se les appro­prient. Je longe une muraille blanche dans laquelle je trouve une brèche. Un type s’ar­rête, me demande s’il peut m’ai­der, je lui demande si par ici c’est un rac­cour­ci vers Malio­bo­ro, il me dit que oui, mais si je rentre là-dedans, « you may be confu­sed… ». J’ai appris à recon­naître les euphé­mismes asia­tiques et je sais que s’il me dit ça, c’est que je ne vais pas m’en sor­tir… Je conti­nue le long de la muraille blanche, là où il n’y a pas de trottoirs…

Malio­bo­ro, les Champs-Ely­sées de Yogya… Pour qui connait les Champs-Ely­sées, la com­pa­rai­son est dif­fi­cile. Je me fais alpa­guer toutes les deux minutes pour que j’aille voir ABSO­LU­MENT aujourd’­hui les étu­diants de l’é­cole des beaux-arts qui font du batik. Pas pour ache­ter, juste pour voir… C’est mon jour de chance, c’est seule­ment aujourd’­hui parce qu’au­jourd’­hui c’est l’an­ni­ver­saire de la ville. Tis­su de conne­ries, la même arnaque qu’à Bang­kok, je suis vac­ci­né main­te­nant, je décline poli­ment, et plus fer­me­ment lors­qu’on devient insis­tant. Je ne suis pas séduit par la ville. Je finis chez McDo faute de mieux, faute de res­to tout court et je rentre à l’hô­tel où le muez­zin, ou plu­tôt les muez­zins font l’ap­pel à la prière. Je n’ai jamais rien enten­du d’aus­si peu har­mo­nique. Ce n’est pas la mul­ti­pli­ci­té qui est désa­gréable, c’est la mul­ti­pli­ci­té de chants sans grâce. Rien à voir avec la beau­té envoû­tante des ezan d’Istanbul…

Drôle de contact avec cette ville qui ne se pro­nonce pas comme elle s’é­crit et qui compte dans son enceinte près de 400 000 habi­tants. On ne devrait pas pré­ju­ger de l’as­pect d’une ville en regar­dant sim­ple­ment son plan… C’est vrai­ment trom­peur dans son cas…

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