I. Sauts de puce dans l’O­céan Indien

I. Sauts de puce dans l’O­céan Indien

Le matin froid se lève, je reste pros­tré, le nez dans mon bou­quin, les bras endo­lo­ris par je ne sais quoi. J’en­tends dans le jar­din les tour­te­relles rou­cou­ler comme au pre­mier matin du prin­temps sur la che­mi­née, mais l’hi­ver est encore là et bien là, même si plus rien ne laisse pré­sa­ger qu’il pour­ra se mon­trer dans son vrai man­teau d’i­ci mars. La nature reprend de la vigueur ; le gel n’a aucune prise ici.

Je conti­nue d’é­cu­mer les pages qui défilent sans las­si­tude, je n’ar­rive même pas à me fati­guer. Les jours passent tran­quille­ment, les angoisses de la nuit se dis­sipent et le soleil me taquine du pied. La clo­chette de l’ar­bris­seau me dit qu’il est temps, un vent léger la fait tin­ter au cré­pus­cule et me susurre à l’o­reille qu’il serait peut-être temps de repar­tir. Cette fois-ci, on ne m’y repren­dra pas, je pars avec toute la méfiance du monde, les Thaïs m’ont habi­tué à ne pas être trop atten­tif à leur œillades ; per­sonne dans ce monde ne veut natu­rel­le­ment du bien à son pro­chain, sans rai­son, sans contrepartie.

La des­ti­na­tion se révèle dou­ce­ment, ce sera à nou­veau l’O­céan Indien, mais pas le Golfe de Thaï­lande. Je crois que d’i­ci à ce que je retourne en Thaï­lande, il y aura du temps et je n’i­rai à nou­veau que dans le nord, à Chiang Mai, et dans le sud de Bang­kok. Les îles ne m’in­té­ressent pas, je n’ai que faire des pay­sages de rêve des plages au sable blanc et au soleil brû­lant. Je suis un urbain et un sau­vage, un nomade ter­rien, jouer les lézards sur la plage m’en­nuie, même si je dois avouer que se repo­ser loin de tout à l’autre bout du monde a quelque chose de magique. Mais j’ai autre chose à faire, j’ai une pla­nète à voir.

Je rêve de sauts de puce dans l’O­céan Indien. Dix jours à ma dis­po­si­tion pour me gaver d’i­mages et de mots de là-bas, de notes de musique que j’ai enten­du dans mon ado­les­cence, tam­bours et per­cus­sions scan­dées dans des transes dou­lou­reuses, odeurs d’é­pices cha­toyantes et cou­leurs incon­nues. Pour l’ins­tant, ce n’est qu’un pro­jet, mais les gens de là-bas vont voir mon visage.

Je rêve aus­si de vol­cans, de routes de sable ava­lées en scoo­ter, de pentes à se dam­ner, la végé­ta­tion infer­nale et toute une fouille de détails où perdre son regard. Le temps d’en par­ler et j’ai déjà presque la cer­ti­tude de l’en­droit qui me fait rêver…

Pho­to © Marc-André Jung

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