Maes­tĂ  #2 : La Maes­tĂ  di San­ta Tri­ni­ta par Cima­bue (Gio­van­ni Cen­ni di Pepe)

Maes­tĂ  #2 : La Maes­tĂ  di San­ta Tri­ni­ta par Cima­bue (Gio­van­ni Cen­ni di Pepe)

Cette très belle Maes­tĂ  de Gio­van­ni Cen­ni di Pepe, plus connu sous le nom de Cima­bue (dont nous ne connais­sons d’ailleurs pas le visage puisque l’illus­tra­tion de son entrĂ©e â€” la pre­mière — des Vite de Gior­gio Vasa­ri n’a Ă©tĂ© com­po­sĂ©e que d’a­près une gra­vure d’é­poque) est conser­vĂ©e dans la mĂŞme salle (la n°2) du MusĂ©e des Offices que la Maes­tĂ  de Duc­cio, pré­cé­dem­ment Ă©tu­diĂ©e. La pré­sence des deux tableaux (plus un autre que nous Ă©tu­die­rons plus tard) n’est pas for­tuite puisque ce sont des “tableaux de rĂ©fé­rence”. RĂ©fé­rence car Ă  la fois modèle issu des canons de la pein­ture byzan­tine et paran­gon de pein­ture prĂ©-Renais­sance ; elles sont rĂ©vé­la­trices d’une vision momen­ta­nĂ©e de l’art, aus­si bien que la rĂ©fé­rence de ce qui vien­dra après et qui le permettra.
Je reste per­sua­dĂ© qu’a­fin d’a­voir une bonne vision des Ĺ“uvres qu’on Ă©tu­die, il faut avoir un mini­mum de connais­sances sur plu­sieurs envi­ron­ne­ments ; d’a­bord la vie des artistes, ensuite l’his­toire de la reli­gion et l’his­toire tout court, puis Ă©ga­le­ment s’in­té­res­ser aux com­man­di­taires, et nous entrons ain­si dans une sys­tème Ă©co­no­mique dont la sur­face du bois peint n’est plus que l’ex­pres­sion ultime. Dres­sons le dĂ©cor. Trois hommes nĂ©s Ă  quelques annĂ©es d’é­cart vont crĂ©er une dyna­mique pic­tu­rale qui va faire bas­cu­ler l’his­toire de l’art du conser­va­tisme byzan­tin Ă  la moder­ni­tĂ© de la Renaissance.

  1. Cima­bue (1240–1305)
  2. Duc­cio di Buo­nin­se­gna (1255–1319)
  3. Giot­to di Bon­done (1267–1337)

On le voit à leurs dates de nais­sance et mort, ils naissent tous les trois à plus ou moins dix ans d’é­cart et ce n’est pas un hasard qu’ils aient joué sur une telle scène et soient aus­si déter­mi­nants car les trois hommes se connais­saient très bien ; en effet, les deux der­niers ont été les élèves du pre­mier. Cima­bue occupe donc une place cen­trale qu’on a sou­vent du mal à lui res­ti­tuer. Sur les trois, c’est Giot­to qui rem­porte tou­jours les faveurs du plus grands nombres, mais j’ai tou­jours un peu de tris­tesse lorsque je constate à quel point on ne prend pas en compte l’in­fluence des ainés, même si l’é­lève dépasse le maître. On devrait tou­jours dire Giot­to, élève de Cima­bue, comme un épi­thète indis­so­ciable. Donc après avoir par­lé de Duc­cio et avant d’en venir à Giot­to, il me semble nor­mal, dans cette fresque sur les plus belles Maes­tà de l’his­toire de la pein­ture, de faire un grand détour par Cima­bue, que nous étu­die­rons d’ailleurs à deux reprises au moins. Fai­sons fi de la chro­no­lo­gie pour aller où bon nous semble.

MaestĂ  di Santa Trinita - Cimabue - 1280-90 - Galleria degli Uffizi - Florence

Voi­ci donc une Maes­tà peinte aux alen­tours de 1280, mesu­rant 385 × 223 cm, légè­re­ment plus petite donc, que celle de Duc­cio, mais immense tout de même. Lorsque l’on songe que ces tableaux étaient peints en tem­pe­ra (c’est-à-dire avec cette tech­nique immé­mo­riale qui ser­vait à peindre les icônes byzan­tines) sur des pan­neaux de bois, c’est-à-dire un maté­riau cher (le pas­sage à la toile est impli­ci­te­ment un sou­ci d’é­co­no­mie), et dont les par­ties les plus nobles étaient recou­vertes de feuilles d’or, on a peine à ima­gi­ner à quel point ces œuvres sont avant tout œuvres de richesse avant d’être œuvres de reli­gion. La tableau est donc peint, sur la com­mande de l’ab­baye de Val­lom­bro­sa, pour l’é­glise dont elle porte le nom, la petite basi­lique San­ta Tri­ni­ta de Flo­rence (à deux pas du pont San­ta Tri­ni­ta et face à la Colon­na del­la Gius­ti­zia, colonne mono­li­thique en gra­nit pro­ve­nant des termes de Cara­cal­la). Après une par­cours dégra­dant, elle finit dans la salle n°2 de la Gale­rie des Offices. (more…)

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