En pré­lude à la val­lée des rubis de Joseph Kes­sel… Le temple des mendiants

En pré­lude à la val­lée des rubis de Joseph Kes­sel… Le temple des mendiants

On peut com­men­cer à lire Joseph Kes­sel en pas­sant par la grande porte, avec Le Lion et les livres qui ont été por­tés à l’é­cran et que l’on connaît plus pour leur suc­cès propre que par le nom de celui qui en a écrit l’his­toire, comme La pas­sante du sans-sou­ci ou L’ar­mée des ombres. Ou alors on peut entrer par la petite porte avec ses romans de jeu­nesse ou tar­difs, ou ses repor­tages magni­fiques. Il y a de toute façon beau­coup de matière, beau­coup à lire, et c’est ce que j’ai com­men­cé à faire, sans trop crier gare. Une réédi­tion récente de La val­lée des rubis m’a per­mis de décou­vrir un texte pas­sion­nant sur un des lieux les plus étranges de ce monde ; Mogok. Mogok est une ville bir­mane située dans la région de l’an­cienne capi­tale royale Man­da­lay. Répu­tée pour ses mines de pierres pré­cieuses et semi-pré­cieuses, les étran­gers ne peuvent s’y rendre qu’a­vec un per­mis spé­cial et à condi­tion qu’ils béné­fi­cient d’une licence leur per­met­tant d’ex­ploi­ter le com­merce des pierres. On sait aus­si que les ouvriers des mines sont sou­vent dro­gués afin de sup­por­ter les condi­tions de tra­vail abo­mi­nables dans les­quelles sont extraites les gemmes, et que les auto­ri­tés font tout pour que cela ne soit pas connu. Pas assez appa­rem­ment, mais cela n’empêche pas l’ex­ploi­ta­tion de continuer.
L’his­toire de Kes­sel se déroule depuis Paris jus­qu’à Mogok, où le nar­ra­teur et son ami Jean se rendent pour retrou­ver les traces d’un tré­sor de rubis « sang-de-pigeon » per­du de manière mys­té­rieuse. Avant d’ar­ri­ver sur les terres bir­manes, ils passent par Bom­bay, ce qui sera pour eux une expé­rience gla­çante… Je livre ici deux pages de ce grand livre, à lire avec pré­cau­tions. Âmes sen­sibles… s’abs­te­nir… (more…)

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Un artiste de la lumière mécon­nu: Niko­lai Kor­ni­lie­vich Bodarevsky

Né en 1850 et mort en 1921, Niko­lai Kor­ni­lie­vich Boda­revs­ky s’illus­tra en pei­gnant les der­nièrs por­traits de la Tsa­rine Alexan­dra Fio­do­rov­na Roma­no­va, épouse du Tsar Nico­las II, prin­cesse Vic­to­ria Alix Hélène Louise Béa­trice de Hesse et du Rhin. Sa pein­ture de jeu­nesse, une pein­ture rurale et lumi­neuse pre­nant pour sujet des scènes de genre de l’U­kraine des cam­pagnes fini­ra par deve­nir plus aca­dé­mique au contact de l’u­ni­vers mon­dain de Mos­cou. Chose sur­pre­nante, il se dégage de ses toiles un vague sen­ti­ment d’en­nui, de fade tris­tesse. Mal­gré tout Boda­revs­ky reste un peintre de talent qui excelle dans la cap­ta­tion de la lumière.

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La val­lée des rubis #1

La val­lée des rubis #1

Je fer­mai un ins­tant les yeux pour mieux ima­gi­ner, mieux voir ce que sug­gé­raient ces paroles. Les cata­ractes cre­vaient le ciel, noyaient l’ho­ri­zon et, sous les trombes d’eau, les petits hommes jaunes cher­chaient dans la boue les mor­ceaux de mine­rai pré­cieux… Quand je regar­dais à nou­veau autour de moi, la verte val­lée s’é­ten­dait jus­qu’aux toits de Mogok.

Joseph Kes­sel

La val­lée des rubis, Gal­li­mard, 1955

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Thaï­lande, sous une lumière d’ocre (2) – Ambiances sonores à Bangkok

Thaï­lande, sous une lumière d’ocre (2) – Ambiances sonores à Bangkok

Après les ambiances sonores de Chiang Mai et son charme désuet, arri­vée dans la capi­tale bruyante et étouf­fante, pol­luée et four­millante, mais tout de même atti­rante. Bang­kok fait par­tie de ces villes qui divisent, qu’on aime à la folie ou qu’on déteste, parce que dans un sens comme dans l’autre, tout semble très facile.

Bang­kok

Cloche du Wat Pho - Bangkok - Thaïlande - mars 2013

Cloche du Wat Pho — mars 2013
Bang­kok

(1) Chao Phraya Express
(0’58”)

Je peux dif­fi­ci­le­ment ne pas emprun­ter les voies d’eau quand elles existent. J’aime sen­tir un ville depuis le fleuve qui la tra­verse ou depuis les canaux qui la qua­drillent. Le Chao Phraya, très large à Bang­kok puis­qu’il se jette dans le Golfe de Thaï­lande à quelques kilo­mètres de là, est un monde en soi, sillon­né par toute une arma­da de péniches, navettes, long tail boats péta­ra­dants qui l’a­niment du soir au matin, regar­dant pas­ser les lai­tues d’eau char­riées par le cou­rant. Le Chao Phraya Express est une véri­table ins­ti­tu­tion et si vous vou­lez pro­fi­ter plei­ne­ment du fleuve, emprun­tez ceux qui arborent le dra­peau orange. Pour seule­ment 15 baths (0,30€) vous pour­rez relier Non­tha­bu­ri au nord à Wat Raj­sing­korn au sud, soit envi­ron 25km. Évi­dem­ment, il faut faire atten­tion aux horaires car tout s’ar­rête à 19:00…

[audio:thai/01-BKK.mp3]

(2 et 3) Conver­sa­tions au mar­ché de Chatuchak
(0’36” et 1′52″)

Le mar­ché de Cha­tu­chak est, paraît-il un endroit incon­tour­nable de la ville. Situé bien loin du centre tou­ris­tique, très au nord et uni­que­ment attei­gnable par la ligne de métro aérien, c’est un endroit hal­lu­ci­nant. Moi­tié bazar à tou­ristes, moi­tié bazar à Thaïs, c’est un joyeux fou­toir où l’on peut aus­si bien ache­ter une paire de jeans, un kimo­no japo­nais, une coque de télé­phone ou alors un chien… Tout dépend de ce que l’on y cherche. Les prix sont déri­soires, même s’ils demeurent plus chers qu’en dehors des cir­cuits touristiques.
Je me suis arrê­té dans un petit maga­sin qui ven­dait des vête­ments et j’ai écou­té ce qui se disait. Un homme en train de fumer, deux femmes qui cou­raient après les clients et des éclats de rire par­fois, des bribes de conver­sa­tions, dans la cha­leur étouf­fante sous les toits de tôle. Si je me suis arrê­té là, c’est que j’é­tais en plein dans le champ d’ac­tion d’un énorme ventilateur.

[audio:thai/02-BKK.mp3]

Si la Thaï­lande est le pays du sou­rire, on y rit aus­si beaucoup…

[audio:thai/03-BKK.mp3]

(4) Ambiance au mar­ché de Chatuchak
(1′17″)

Je suis res­té long­temps dans la mar­ché ; c’est tout sim­ple­ment immense, une vraie ville dans la ville. A l’en­trée sont affi­chées les trom­bines des pick­po­ckets qui se sont fait ser­rer la main dans le sac. De la musique y est dif­fu­sée toute la jour­née, sans dis­con­ti­nuer, tou­jours la même, ce qui fait qu’en res­tant un peu sur place on entend sou­vent la même chan­son reve­nir, comme celle-ci qui, si on l’im­por­tait ici, pour­rait rem­por­ter un vif suc­cès, je n’en doute pas.

[audio:thai/04-BKK.mp3]

(5) Cir­cu­la­tion à la sor­tie du mar­ché de Chatuchak
(0′56″)

A la fin de la jour­née, sor­tir de Cha­tu­chak pour rejoindre le BTS (métro aérien) n’est pas une mince affaire. Les trot­toirs sont noirs de monde, les agents font la cir­cu­la­tion en sif­flant dans tous les sens, les tuk-tuk péta­radent et inter­pellent les tou­ristes, les men­diants men­dient et moi je mange une crêpe à la banane arro­sée de lait de coco pré­pa­rée par une musul­mane qui louche avant de prendre le BTS (dans lequel il est inter­dit de manger).

[audio:thai/05-BKK.mp3]

(6) Bang­kok depuis le 18ème étage
(0′59″)

Retour à Bang­kok après l’in­ter­rup­tion dans les îles, j’ar­rive à l’hô­tel en pleine nuit, les­si­vé. Dès le len­de­main matin, à l’aube, je vole ces pre­miers sons depuis le 18ème étage du très bel hôtel Cha­trium, d’où l’on entend les pre­miers bateaux s’é­brouer sur le fleuve char­riant des tonnes de sable et de lai­tues d’eau. On entend sif­fler le bos­co de la vedette et les moteurs diesel…

[audio:thai/06-BKK.mp3]

(7) Attendre sur le pon­ton de Sathorn pier
(1′42″)

Quand on prend le par­ti de prendre le bateau pour se dépla­cer sur le fleuve, on passe for­cé­ment pas mal de temps à l’at­tendre, ce qui est somme toute plus agréable que de traî­ner dans les rues, prendre le bus ou le tuk-tuk et qui sur­tout donne un peu l’im­pres­sion de res­pi­rer… Sathorn pier est un des arrêts les plus impor­tants, c’est ici que la navette du Cha­trium s’ar­rête pour les cor­res­pon­dances, et c’est ici aus­si que passe le BTS. Une femme fait une annonce dans un micro, les gens attendent en se pas­sant devant les uns les autres, pas d’ordre, pas de dis­ci­pline, puis le bateau finit par arriver.

[audio:thai/07-BKK.mp3]

(8) A bord du Chao Phraya Express
(2′00″)

C’est repar­ti avec le bateau, moteur vrom­bis­sant, sif­flet du bos­co, le conduc­teur, un ancien mili­taire qui arbore avec fier­té une pho­to de jeu­nesse au-des­sus de la barre, manie la coque de noix effi­lée avec non­cha­lance, pieds nus, tan­dis que l’eau claque contre la proue. En face de moi, un moine bedon­nant s’en­dort à moi­tié au rythme du fleuve…

[audio:thai/08-BKK.mp3]

(9) A bord du Chao Phraya Express à Wang Tang pier
(2′00″)

Dans l’autre sens, en retour­nant vers le centre depuis The­wet pier, un arrêt à Wang Tang pier où il se passe quelque chose mais je ne sais pas vrai­ment quoi. Peut-être trop de cou­rant, le bateau a du mal à appro­cher du quai, une femme avec un porte-voix jette des ins­truc­tions que per­sonne ne semble vou­loir suivre, c’est le bazar, des gens montent et d’autres des­cendent dans la cohue, puis le bateau repart.

[audio:thai/09-BKK.mp3]

(10) Ambiance près du Chao Phraya, après l’orage
(0′45″)

Après avoir pris un gros bouillon en sor­tant de Chi­na­town, une averse comme on ne peut en voir qu’i­ci, trem­pé comme une soupe, je pro­fite de quelque ins­tants de répit sous le hall du quai avant de reprendre le bateau, avant de me retrou­ver gelé par le vent dans la vedette.

[audio:thai/10-BKK.mp3]

 

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Le visage de Savor­gnan de Brazza

Le visage de Savor­gnan de Brazza

J’ai trou­vé un jour un livre sur les explo­ra­teurs* sur la cou­ver­ture duquel figu­rait un visage très beau, énig­ma­tique, figé, le visage de quel­qu’un qui m’é­tait com­plè­te­ment incon­nu. Cet argu­ment aurait en fait suf­fi à ce que j’a­chète ce livre, la publi­ci­té en était savam­ment faite. Et puis, je l’ai oublié, jus­qu’à hier soir où je suis tom­bé sur un article sur Pierre Savor­gnan de Braz­za, né Pie­tro Pao­lo Savor­gnan di Brazzà à Cas­tel Gan­dol­fo. J’ai immé­dia­te­ment recon­nu ce visage incom­pa­rable qui m’a beau­coup trou­blé. Si je connais peu Braz­za pour son action et pour son rôle dans les débuts de la colo­ni­sa­tion fran­çaise, je sais qu’il est très aimé au Congo, pays auquel il a lais­sé un héri­tage pré­cieux ; le nom de sa capi­tale. Héros tra­gique, anti-escla­va­giste, offi­cier de marine un peu roman­tique, dan­dy un peu téné­breux, il est décé­dé suite à de fortes fièvres que d’au­cun diront cau­sées par un empoi­son­ne­ment. On ne pou­vait déci­der mort plus roman­tique pour un aven­tu­rier de sa trempe.
Dans ce visage au nez bus­qué, aux yeux sages, au visage lisse, à la barbe en pointe, il y a quelque chose de pro­fon­dé­ment calme, de visi­ble­ment à la fois doux et grave. Sa tête pen­chée sur le côté n’est pas qu’une simple pose qu’il prend pour le pho­to­graphe, c’est le signe de celui qui sait écou­ter mais aus­si de ceux qui se noient de leur magni­fique solitude.

A écou­ter sur France Inter, Les renais­sances de Savor­gnan de Braz­za dans La marche de l’his­toire.

Notes :
* Aven­tu­riers du monde : Les grands explo­ra­teurs fran­çais sous l’oeil des pre­miers pho­to­graphes (1866–1914)

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