Oct 14, 2013 | Livres et carnets, Sur les portulans |
On peut commencer à lire Joseph Kessel en passant par la grande porte, avec Le Lion et les livres qui ont été portés à l’écran et que l’on connaît plus pour leur succès propre que par le nom de celui qui en a écrit l’histoire, comme La passante du sans-souci ou L’armée des ombres. Ou alors on peut entrer par la petite porte avec ses romans de jeunesse ou tardifs, ou ses reportages magnifiques. Il y a de toute façon beaucoup de matière, beaucoup à lire, et c’est ce que j’ai commencé à faire, sans trop crier gare. Une réédition récente de La vallée des rubis m’a permis de découvrir un texte passionnant sur un des lieux les plus étranges de ce monde ; Mogok. Mogok est une ville birmane située dans la région de l’ancienne capitale royale Mandalay. Réputée pour ses mines de pierres précieuses et semi-précieuses, les étrangers ne peuvent s’y rendre qu’avec un permis spécial et à condition qu’ils bénéficient d’une licence leur permettant d’exploiter le commerce des pierres. On sait aussi que les ouvriers des mines sont souvent drogués afin de supporter les conditions de travail abominables dans lesquelles sont extraites les gemmes, et que les autorités font tout pour que cela ne soit pas connu. Pas assez apparemment, mais cela n’empêche pas l’exploitation de continuer.
L’histoire de Kessel se déroule depuis Paris jusqu’à Mogok, où le narrateur et son ami Jean se rendent pour retrouver les traces d’un trésor de rubis « sang-de-pigeon » perdu de manière mystérieuse. Avant d’arriver sur les terres birmanes, ils passent par Bombay, ce qui sera pour eux une expérience glaçante… Je livre ici deux pages de ce grand livre, à lire avec précautions. Âmes sensibles… s’abstenir… (more…)
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Oct 13, 2013 | Arts |
Né en 1850 et mort en 1921, Nikolai Kornilievich Bodarevsky s’illustra en peignant les dernièrs portraits de la Tsarine Alexandra Fiodorovna Romanova, épouse du Tsar Nicolas II, princesse Victoria Alix Hélène Louise Béatrice de Hesse et du Rhin. Sa peinture de jeunesse, une peinture rurale et lumineuse prenant pour sujet des scènes de genre de l’Ukraine des campagnes finira par devenir plus académique au contact de l’univers mondain de Moscou. Chose surprenante, il se dégage de ses toiles un vague sentiment d’ennui, de fade tristesse. Malgré tout Bodarevsky reste un peintre de talent qui excelle dans la captation de la lumière.
Petite fille russe
Jeune fille ukrainienne gardant les oies
La tsarine Alexandra Fyodorovna
Portrait de femme
Portrait de la tsarine Alexandra Fyodorovna
Dans la forêt profonde
Femme allongée jouant avec un chat
Le modèle
La discussion fascinante
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Oct 12, 2013 | Carnet de voyage en Thaïlande, Carnets de route (Osmanlı lale), Prises de son, Sur les portulans |
Après les ambiances sonores de Chiang Mai et son charme désuet, arrivée dans la capitale bruyante et étouffante, polluée et fourmillante, mais tout de même attirante. Bangkok fait partie de ces villes qui divisent, qu’on aime à la folie ou qu’on déteste, parce que dans un sens comme dans l’autre, tout semble très facile.
Bangkok
Cloche du Wat Pho — mars 2013
Bangkok
(1) Chao Phraya Express
(0’58”)
Je peux difficilement ne pas emprunter les voies d’eau quand elles existent. J’aime sentir un ville depuis le fleuve qui la traverse ou depuis les canaux qui la quadrillent. Le Chao Phraya, très large à Bangkok puisqu’il se jette dans le Golfe de Thaïlande à quelques kilomètres de là, est un monde en soi, sillonné par toute une armada de péniches, navettes, long tail boats pétaradants qui l’animent du soir au matin, regardant passer les laitues d’eau charriées par le courant. Le Chao Phraya Express est une véritable institution et si vous voulez profiter pleinement du fleuve, empruntez ceux qui arborent le drapeau orange. Pour seulement 15 baths (0,30€) vous pourrez relier Nonthaburi au nord à Wat Rajsingkorn au sud, soit environ 25km. Évidemment, il faut faire attention aux horaires car tout s’arrête à 19:00…
[audio:thai/01-BKK.mp3]
(2 et 3) Conversations au marché de Chatuchak
(0’36” et 1′52″)
Le marché de Chatuchak est, paraît-il un endroit incontournable de la ville. Situé bien loin du centre touristique, très au nord et uniquement atteignable par la ligne de métro aérien, c’est un endroit hallucinant. Moitié bazar à touristes, moitié bazar à Thaïs, c’est un joyeux foutoir où l’on peut aussi bien acheter une paire de jeans, un kimono japonais, une coque de téléphone ou alors un chien… Tout dépend de ce que l’on y cherche. Les prix sont dérisoires, même s’ils demeurent plus chers qu’en dehors des circuits touristiques.
Je me suis arrêté dans un petit magasin qui vendait des vêtements et j’ai écouté ce qui se disait. Un homme en train de fumer, deux femmes qui couraient après les clients et des éclats de rire parfois, des bribes de conversations, dans la chaleur étouffante sous les toits de tôle. Si je me suis arrêté là, c’est que j’étais en plein dans le champ d’action d’un énorme ventilateur.
[audio:thai/02-BKK.mp3]
Si la Thaïlande est le pays du sourire, on y rit aussi beaucoup…
[audio:thai/03-BKK.mp3]
(4) Ambiance au marché de Chatuchak
(1′17″)
Je suis resté longtemps dans la marché ; c’est tout simplement immense, une vraie ville dans la ville. A l’entrée sont affichées les trombines des pickpockets qui se sont fait serrer la main dans le sac. De la musique y est diffusée toute la journée, sans discontinuer, toujours la même, ce qui fait qu’en restant un peu sur place on entend souvent la même chanson revenir, comme celle-ci qui, si on l’importait ici, pourrait remporter un vif succès, je n’en doute pas.
[audio:thai/04-BKK.mp3]
(5) Circulation à la sortie du marché de Chatuchak
(0′56″)
A la fin de la journée, sortir de Chatuchak pour rejoindre le BTS (métro aérien) n’est pas une mince affaire. Les trottoirs sont noirs de monde, les agents font la circulation en sifflant dans tous les sens, les tuk-tuk pétaradent et interpellent les touristes, les mendiants mendient et moi je mange une crêpe à la banane arrosée de lait de coco préparée par une musulmane qui louche avant de prendre le BTS (dans lequel il est interdit de manger).
[audio:thai/05-BKK.mp3]
(6) Bangkok depuis le 18ème étage
(0′59″)
Retour à Bangkok après l’interruption dans les îles, j’arrive à l’hôtel en pleine nuit, lessivé. Dès le lendemain matin, à l’aube, je vole ces premiers sons depuis le 18ème étage du très bel hôtel Chatrium, d’où l’on entend les premiers bateaux s’ébrouer sur le fleuve charriant des tonnes de sable et de laitues d’eau. On entend siffler le bosco de la vedette et les moteurs diesel…
[audio:thai/06-BKK.mp3]
(7) Attendre sur le ponton de Sathorn pier
(1′42″)
Quand on prend le parti de prendre le bateau pour se déplacer sur le fleuve, on passe forcément pas mal de temps à l’attendre, ce qui est somme toute plus agréable que de traîner dans les rues, prendre le bus ou le tuk-tuk et qui surtout donne un peu l’impression de respirer… Sathorn pier est un des arrêts les plus importants, c’est ici que la navette du Chatrium s’arrête pour les correspondances, et c’est ici aussi que passe le BTS. Une femme fait une annonce dans un micro, les gens attendent en se passant devant les uns les autres, pas d’ordre, pas de discipline, puis le bateau finit par arriver.
[audio:thai/07-BKK.mp3]
(8) A bord du Chao Phraya Express
(2′00″)
C’est reparti avec le bateau, moteur vrombissant, sifflet du bosco, le conducteur, un ancien militaire qui arbore avec fierté une photo de jeunesse au-dessus de la barre, manie la coque de noix effilée avec nonchalance, pieds nus, tandis que l’eau claque contre la proue. En face de moi, un moine bedonnant s’endort à moitié au rythme du fleuve…
[audio:thai/08-BKK.mp3]
(9) A bord du Chao Phraya Express à Wang Tang pier
(2′00″)
Dans l’autre sens, en retournant vers le centre depuis Thewet pier, un arrêt à Wang Tang pier où il se passe quelque chose mais je ne sais pas vraiment quoi. Peut-être trop de courant, le bateau a du mal à approcher du quai, une femme avec un porte-voix jette des instructions que personne ne semble vouloir suivre, c’est le bazar, des gens montent et d’autres descendent dans la cohue, puis le bateau repart.
[audio:thai/09-BKK.mp3]
(10) Ambiance près du Chao Phraya, après l’orage
(0′45″)
Après avoir pris un gros bouillon en sortant de Chinatown, une averse comme on ne peut en voir qu’ici, trempé comme une soupe, je profite de quelque instants de répit sous le hall du quai avant de reprendre le bateau, avant de me retrouver gelé par le vent dans la vedette.
[audio:thai/10-BKK.mp3]
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Oct 11, 2013 | Histoires de gens, Photo |
J’ai trouvé un jour un livre sur les explorateurs* sur la couverture duquel figurait un visage très beau, énigmatique, figé, le visage de quelqu’un qui m’était complètement inconnu. Cet argument aurait en fait suffi à ce que j’achète ce livre, la publicité en était savamment faite. Et puis, je l’ai oublié, jusqu’à hier soir où je suis tombé sur un article sur Pierre Savorgnan de Brazza, né Pietro Paolo Savorgnan di Brazzà à Castel Gandolfo. J’ai immédiatement reconnu ce visage incomparable qui m’a beaucoup troublé. Si je connais peu Brazza pour son action et pour son rôle dans les débuts de la colonisation française, je sais qu’il est très aimé au Congo, pays auquel il a laissé un héritage précieux ; le nom de sa capitale. Héros tragique, anti-esclavagiste, officier de marine un peu romantique, dandy un peu ténébreux, il est décédé suite à de fortes fièvres que d’aucun diront causées par un empoisonnement. On ne pouvait décider mort plus romantique pour un aventurier de sa trempe.
Dans ce visage au nez busqué, aux yeux sages, au visage lisse, à la barbe en pointe, il y a quelque chose de profondément calme, de visiblement à la fois doux et grave. Sa tête penchée sur le côté n’est pas qu’une simple pose qu’il prend pour le photographe, c’est le signe de celui qui sait écouter mais aussi de ceux qui se noient de leur magnifique solitude.
A écouter sur France Inter, Les renaissances de Savorgnan de Brazza dans La marche de l’histoire.
Notes :
* Aventuriers du monde : Les grands explorateurs français sous l’oeil des premiers photographes (1866–1914)
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