Dans la vapeur blanche des jours sans vent (Car­net de voyage en Tur­quie – 3 août) : Üçağız, Keko­va, Dochiste (Apol­lo­nia), Geyi­ko­va Adası, Kaleköy (Sime­na)

Dans la vapeur blanche des jours sans vent (Car­net de voyage en Tur­quie – 3 août) : Üçağız, Keko­va, Dochiste (Apol­lo­nia), Geyi­ko­va Adası, Kaleköy (Sime­na)

Épi­sode pré­cé­dent : Dans la vapeur blanche des jours sans vent (Car­net de voyage en Tur­quie – 2 août) : Kaş intime

Bul­le­tin météo de la jour­née (ven­dre­di) :

  • 10h00 : 38.0°C / humi­di­té : 43% / vent 4 km/h
  • 14h00 : 41.7°C / humi­di­té : 67% / vent 19 km/h
  • 22h00 : 37.2°C / humi­di­té : 77% / vent 2 km/h

Ce jour est un peu par­ti­cu­lier. Tan­dis qu’­hier je me pro­me­nais dans les rues de Kaş; je suis tom­bé sur un opé­ra­teur local qui pro­pose des acti­vi­tés spor­tives dans la région, ain­si que des balades en bateau, en jeep, etc. J’ai donc pous­sé la porte de la petite échoppe et j’ai réser­vé ma place pour par­tir une jour­née dans la baie de Keko­va. Ne sachant pas réel­le­ment ce qui m’at­ten­dait, je n’ai pas vrai­ment cher­ché à en savoir plus ; la seule chose que je savais, c’est que cette baie est le joyau de la côte lycienne. En regar­dant la carte, on voit tout d’a­bord que cette baie consti­tue l’ex­tré­mi­té sud de la pointe de la Lycie.

Kekova sur le Kitab-ı Bahriye - Piri Reis

Keko­va sur le Kitab‑ı Bah­riye de Piri Reis

Affi­cher Le per­ro­quet sué­dois sur une carte plus grande

Un coup d’œil rapide nous laisse voir une suc­ces­sion de deux baies encas­trées l’une dans l’autre. La pre­mière, la plus petite, est celle d’Ü­çağız ; elle ouvre sur la baie de Keko­va, une île tout en lon­gueur qui a don­né son nom à la baie. On voit tout de suite que les lieux sont vierges de toute construc­tion, que le pay­sage est rocailleux, plan­té de quelques touffes d’herbes grasses qui poussent entre les cailloux. L’île elle-même est sépa­rée en deux par une arête dor­sale qui déso­li­da­rise les deux ver­sants. En se rap­pro­chant, on peut voir que cer­tains hauts-fonds sont visibles à cause de leur cou­leur claire dans cette belle eau bleue.

Turquie - jour 8 - Baie de Kekova - 140 - Kaleköy (Simena) (more…)

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Dixit Domi­nus — HWV 232 (Georg Frie­drich Haendel)

Georg Friedrich Haendel Voi­ci le sep­tième et avant-der­nier mou­ve­ment d’une œuvre de jeu­nesse de Georg Frie­drich Haen­del, Dixit Domi­nus.
Com­po­sée en 1707, l’œuvre com­po­sée de huit mou­ve­ments s’é­tend sur trente-cinq minutes. On sait que le com­po­si­teur alle­mand de nais­sance, natu­ra­li­sé bri­tan­nique, pas­sa une par­tie de sa vie en Ita­lie, ce qui lui appor­ta une grande gloire. Com­po­sée à l’at­ten­tion de ses bien­fai­teurs qui l’ac­cueillirent mal­gré ses ori­gines pro­tes­tantes, elle fut jugée si belle qu’on lui pro­po­sa gen­ti­ment de se conver­tir au catho­li­cisme, ce qu’il refu­sa poliment.

[audio:dixitdominus.xol]

Dixit Domi­nus (Sal­mo 109) per 2 Sopra­ni, Alto, Coro e Orches­tra, HWV 232 — 7. ‘De tor­rente in via bibet’, extrait de l’al­bum Ves­pro per la Madon­na del Car­me­lo (Roma, 1707) (HWV 232, 237, 243)
Clas­sic Voice — Recor­ded: 2008 & 2009 — Relea­sed: 2009
Col­le­gium Apol­li­neum (on per­iod ins­tru­ments) — Mar­co Feruglio

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Grand-père avait un éléphant

Vaikom Muhammad BasheerVoi­ci un petit livre tout à fait éton­nant. Trou­vé dans la sélec­tion 2013 du prix du meilleur roman décer­né par les lec­teurs de Points, cet OVNI lit­té­raire à la cou­ver­ture rose brillante est un conte clair comme l’eau du ruis­seau. Par­fois, je me demande ce qui me passe par la tête quand je me décide à ache­ter des bouquins.
L’au­teur, Vai­kom Muham­mad Basheer, est connu pour son œuvre à carac­tère social, racon­tant avec une cer­taine ten­dresse la vie dans la pro­vince du Kera­la (extrême sud-ouest de l’Inde), où un quart des habi­tants sont musul­mans), aus­si bien que pour son rôle poli­tique dans le pro­ces­sus d’in­dé­pen­dance de l’Inde.
Koun­niou­pat­toum­ma est une jeune fille indienne, musul­mane, éle­vée dans un cocon de ten­dresse et de richesses ; son père s’oc­cupe des affaires de la mos­quée et per­sonne ne lève le petit doigt sans en réfé­rer à son avis, jus­qu’au jour où les affaires ne vont plus et voi­ci la famille rui­née, la jeune fille et sa mère obli­gée de vendre leurs bra­ce­lets en or pour ache­ter une petite mai­son dans les fau­bourgs, là où les gens font leurs besoins sur la route ou dans la rivière où est tirée l’eau à boire… Pour­tant, Oum­ma, sa mère est la fille pré­fé­rée de son grand-père, lequel avait pour­tant un élé­phant, un grand mâle avec des défenses !

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Pho­to © Ric­car­do Romano

Dans cet uni­vers deve­nu sombre, Koun­niou­pat­toum­ma passe les années sans trou­ver d’homme qui ne veuille d’elle à marier, à plus forte rai­son parce que ses parents sont pauvres, jus­qu’au jour où, vou­lant secou­rir un moi­neau femelle, elle tombe dans un fos­sé et n’ar­rive à en sor­tir que grâce aux bons soins d’un jeune homme qui va dis­pa­raître aus­si vite qu’il est apparu.
Der­rière l’his­toire simple d’une fille naïve sur­pro­té­gée qui finit par être livrée à un monde dur se trouve une belle réflexion sur les liens qu’en­tre­tiennent les dif­fé­rentes reli­gions qu’on trouve en Inde. Car même entre musul­mans, par­fois, on a du mal à recon­naître les siens…

- C’est quoi? demande Kounnioupattoumma.
Pour le reste, elle avait com­pris. Elle avait enten­du par­ler de « poules élec­triques » qui s’al­lument quand on appuie sur un bou­ton. Mais le mot « radio », en revanche, elle ne le connais­sait pas.
— C’est une boîte, explique Aïsha, d’où sortent de la musique et des infor­ma­tions de très, très nom­breux pays.
— On entend La Mecque ?
— L’A­ra­bie, la Tur­quie, l’I­ran, l’Af­gha­nis­tan, la Rus­sie, l’A­frique, Madras, l’Al­le­magne, l’A­mé­rique, Sin­ga­pour, Del­hi, Kara­chi, Lahore, Mysore, l’An­gle­terre, Le Caire, l’Aus­tra­lie, Cal­cut­ta, Cey­lan — on peut cap­ter des sta­tions de presque par­tout dans le monde.
Koun­niou­pat­toum­ma ne com­pre­nait pas bien de quoi il était ques­tion. Mais une chose était sûre, cette fille en fai­sait trop.
— Tu as un tama­rin chez toi ?
— Non !
Et pour­tant, c’é­tait bien le plus impor­tant, non ? Elle pous­sa l’avantage :
— Et un élé­phant, fausse bécasse, tu en as un ?
— Non !
— Mon grand-père avait un élé­phant, dit Koun­niou­pat­toum­maen se ren­gor­geant, un grand mâle à défenses !
Aïsha répon­dit avec fierté :
— Mon grand-père avait un char à bœufs ! Il trans­por­tait des mar­chan­dises qu’il livrait dans des bou­tiques ou chez les gens. C’é­tait son tra­vail. Avec son char à bœufs, il a payé des études à mon père jus­qu’à la maî­trise. Et ton grand élé­phant, où est-ce qu’il est ?
— Oh, il est mort. Enfin, décédé.
— Quand est-ce qu’il est mort ?
— Pas mort, décé­dé. (C’é­tait un élé­phant musul­man, il fal­lait donc dire « décé­dé », ou « tré­pas­sé », comme pour les croyants. « Mort », c’é­tait bien pour les kafir(*).) Il a tué quatre kafir !
— Seule­ment quatre ? Et com­bien de musulmans ?
— Zéro. C’é­tait un élé­phant formidable !
— Si c’est bien vrai, répon­dit Aïsha en riant, il aura droit à quatre demeures au para­dis, riche­ment incrus­tées, pierres pré­cieuses, dia­mants, perles et rubis, respectivement !
Quand une per­sonne avait accom­pli ici bas des actions méri­toires — et tuer un kafir en était une — elle jouis­sait dans l’autre monde de mul­tiples plaisirs.

Notes :
kafir : désigne de manière péjo­ra­tive les non-musulmans.

Vai­kom Muham­mad Basheer, Grand-père avait un éléphant
Points Zul­ma, 2005
Tra­duit du Malaya­lam (Inde) par Domi­nique Vitalyos

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En apnée

René Burri - Thaïlande - Bangkok - 1961

© Rene Burri/Magnum Photos

On fait le fier, for­cé­ment. Les voyages ne forment pas seule­ment l’en­ten­de­ment. Ils aiguisent, dit-on, le regard et vous raf­fer­missent l’âme. Peut-être même qu’à la longue ils ver­rouillent en vous quelque chose. On ne peut arpen­ter tous les désastres sans pro­tec­tion inté­rieure ; on ne court pas les incen­dies du monde et les détresses sans se cla­que­mu­rer, mine de rien, dans une dure­té mini­male. Sans elle, tien­drait-on long­temps debout sur le che­min ? Tous les vrais voyages — et cer­tains plus que d’autres — se font en apnée.

Ray­mond Depar­don et Jean-Claude Guille­baud, La col­line des anges
Retour au Viet­nam (1972–1992)
Edi­tions Points 1993

 

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Hanoï, 1992

Hanoi - Raymond Depardon -1992 (1)

Mme D. tombe de haut.
Nous aussi.
Éber­lués, le mot est assez juste pour qua­li­fier nos pre­miers pas dans ce nou­vel Hanoï du prin­temps 1992. En moins d’un an, la capi­tale du Viet­nam a enta­mé, elle aus­si, une mue d’au­tant plus sur­pre­nante qu’elle rompt ici avec trente-huit années — et non dix-sept — de sta­li­nisme. Je songe à la réflexion d’un diplo­mate de Huê : « Les dif­fé­rences entre les deux Viet­nam s’es­tompent, vous ver­rez. Mais c’est le nord qui fait tout le che­min. » Aus­tère, cette ville ? Ah non ! C’est une grâce alan­guie qui nous accueille, une fraî­cheur intacte qui s’es­saie à la liber­té. Et peut-être au plai­sir. Faut-il, à nou­veau, comp­ter les Hon­da, les Sim­son ou les Babet­ta (motos est-alle­mandes) dans les rues ? Pho­to­gra­phier les élé­gantes trop maquillées dans les allées du parc Hoàn Kiêm ? Énu­mé­rer ce four­mille­ment de bou­tiques pri­vées, d’é­ta­lages de ter­rasses où l’on joue au mah jong et au tô tom ; four­mille­ment qui, chaque jour davan­tage, riva­lise avec celui de Sai­gon ? Par­ler des cou­leurs qui cha­toient désor­mais sur les ave­nues ? De l’ef­fron­te­rie des mar­chandes de lit­chis qui com­mentent à voix haute le look de l’é­tran­ger ? Racon­ter tout ce que l’on vous pro­pose — mais à voix basse cette fois — sur ces trot­toirs du centre qui prennent, vers le soir, des allures de frairies ?

Hanoi - Raymond Depardon - 1992 (2)

Ray­mond Depar­don et Jean-Claude Guille­baud, La col­line des anges
Retour au Viet­nam (1972–1992)
Edi­tions Points 1993

© Ray­mond Depardon/Magnum Photos

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