Mar 24, 2013 | Carnets de route (Osmanlı lale), Dans la vapeur blanche des jours sans vent (Turquie) |
Épisode précédent : Dans la vapeur blanche des jours sans vent (Carnet de voyage en Turquie – 2 août) : Kaş intime
Bulletin météo de la journée (vendredi) :
- 10h00 : 38.0°C / humidité : 43% / vent 4 km/h
- 14h00 : 41.7°C / humidité : 67% / vent 19 km/h
- 22h00 : 37.2°C / humidité : 77% / vent 2 km/h
Ce jour est un peu particulier. Tandis qu’hier je me promenais dans les rues de Kaş; je suis tombé sur un opérateur local qui propose des activités sportives dans la région, ainsi que des balades en bateau, en jeep, etc. J’ai donc poussé la porte de la petite échoppe et j’ai réservé ma place pour partir une journée dans la baie de Kekova. Ne sachant pas réellement ce qui m’attendait, je n’ai pas vraiment cherché à en savoir plus ; la seule chose que je savais, c’est que cette baie est le joyau de la côte lycienne. En regardant la carte, on voit tout d’abord que cette baie constitue l’extrémité sud de la pointe de la Lycie.
Kekova sur le Kitab‑ı Bahriye de Piri Reis
Afficher Le perroquet suédois sur une carte plus grande
Un coup d’œil rapide nous laisse voir une succession de deux baies encastrées l’une dans l’autre. La première, la plus petite, est celle d’Üçağız ; elle ouvre sur la baie de Kekova, une île tout en longueur qui a donné son nom à la baie. On voit tout de suite que les lieux sont vierges de toute construction, que le paysage est rocailleux, planté de quelques touffes d’herbes grasses qui poussent entre les cailloux. L’île elle-même est séparée en deux par une arête dorsale qui désolidarise les deux versants. En se rapprochant, on peut voir que certains hauts-fonds sont visibles à cause de leur couleur claire dans cette belle eau bleue.
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Mar 23, 2013 | Arts, Chambre acoustique |
Voici le septième et avant-dernier mouvement d’une œuvre de jeunesse de Georg Friedrich Haendel, Dixit Dominus.
Composée en 1707, l’œuvre composée de huit mouvements s’étend sur trente-cinq minutes. On sait que le compositeur allemand de naissance, naturalisé britannique, passa une partie de sa vie en Italie, ce qui lui apporta une grande gloire. Composée à l’attention de ses bienfaiteurs qui l’accueillirent malgré ses origines protestantes, elle fut jugée si belle qu’on lui proposa gentiment de se convertir au catholicisme, ce qu’il refusa poliment.
[audio:dixitdominus.xol]
Dixit Dominus (Salmo 109) per 2 Soprani, Alto, Coro e Orchestra, HWV 232 — 7. ‘De torrente in via bibet’, extrait de l’album Vespro per la Madonna del Carmelo (Roma, 1707) (HWV 232, 237, 243)
Classic Voice — Recorded: 2008 & 2009 — Released: 2009
Collegium Apollineum (on period instruments) — Marco Feruglio
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Mar 23, 2013 | Livres et carnets |
Voici un petit livre tout à fait étonnant. Trouvé dans la sélection 2013 du prix du meilleur roman décerné par les lecteurs de Points, cet OVNI littéraire à la couverture rose brillante est un conte clair comme l’eau du ruisseau. Parfois, je me demande ce qui me passe par la tête quand je me décide à acheter des bouquins.
L’auteur, Vaikom Muhammad Basheer, est connu pour son œuvre à caractère social, racontant avec une certaine tendresse la vie dans la province du Kerala (extrême sud-ouest de l’Inde), où un quart des habitants sont musulmans), aussi bien que pour son rôle politique dans le processus d’indépendance de l’Inde.
Kounnioupattoumma est une jeune fille indienne, musulmane, élevée dans un cocon de tendresse et de richesses ; son père s’occupe des affaires de la mosquée et personne ne lève le petit doigt sans en référer à son avis, jusqu’au jour où les affaires ne vont plus et voici la famille ruinée, la jeune fille et sa mère obligée de vendre leurs bracelets en or pour acheter une petite maison dans les faubourgs, là où les gens font leurs besoins sur la route ou dans la rivière où est tirée l’eau à boire… Pourtant, Oumma, sa mère est la fille préférée de son grand-père, lequel avait pourtant un éléphant, un grand mâle avec des défenses !
Photo © Riccardo Romano
Dans cet univers devenu sombre, Kounnioupattoumma passe les années sans trouver d’homme qui ne veuille d’elle à marier, à plus forte raison parce que ses parents sont pauvres, jusqu’au jour où, voulant secourir un moineau femelle, elle tombe dans un fossé et n’arrive à en sortir que grâce aux bons soins d’un jeune homme qui va disparaître aussi vite qu’il est apparu.
Derrière l’histoire simple d’une fille naïve surprotégée qui finit par être livrée à un monde dur se trouve une belle réflexion sur les liens qu’entretiennent les différentes religions qu’on trouve en Inde. Car même entre musulmans, parfois, on a du mal à reconnaître les siens…
- C’est quoi? demande Kounnioupattoumma.
Pour le reste, elle avait compris. Elle avait entendu parler de « poules électriques » qui s’allument quand on appuie sur un bouton. Mais le mot « radio », en revanche, elle ne le connaissait pas.
— C’est une boîte, explique Aïsha, d’où sortent de la musique et des informations de très, très nombreux pays.
— On entend La Mecque ?
— L’Arabie, la Turquie, l’Iran, l’Afghanistan, la Russie, l’Afrique, Madras, l’Allemagne, l’Amérique, Singapour, Delhi, Karachi, Lahore, Mysore, l’Angleterre, Le Caire, l’Australie, Calcutta, Ceylan — on peut capter des stations de presque partout dans le monde.
Kounnioupattoumma ne comprenait pas bien de quoi il était question. Mais une chose était sûre, cette fille en faisait trop.
— Tu as un tamarin chez toi ?
— Non !
Et pourtant, c’était bien le plus important, non ? Elle poussa l’avantage :
— Et un éléphant, fausse bécasse, tu en as un ?
— Non !
— Mon grand-père avait un éléphant, dit Kounnioupattoummaen se rengorgeant, un grand mâle à défenses !
Aïsha répondit avec fierté :
— Mon grand-père avait un char à bœufs ! Il transportait des marchandises qu’il livrait dans des boutiques ou chez les gens. C’était son travail. Avec son char à bœufs, il a payé des études à mon père jusqu’à la maîtrise. Et ton grand éléphant, où est-ce qu’il est ?
— Oh, il est mort. Enfin, décédé.
— Quand est-ce qu’il est mort ?
— Pas mort, décédé. (C’était un éléphant musulman, il fallait donc dire « décédé », ou « trépassé », comme pour les croyants. « Mort », c’était bien pour les kafir(*).) Il a tué quatre kafir !
— Seulement quatre ? Et combien de musulmans ?
— Zéro. C’était un éléphant formidable !
— Si c’est bien vrai, répondit Aïsha en riant, il aura droit à quatre demeures au paradis, richement incrustées, pierres précieuses, diamants, perles et rubis, respectivement !
Quand une personne avait accompli ici bas des actions méritoires — et tuer un kafir en était une — elle jouissait dans l’autre monde de multiples plaisirs.
Notes :
kafir : désigne de manière péjorative les non-musulmans.
Vaikom Muhammad Basheer, Grand-père avait un éléphant
Points Zulma, 2005
Traduit du Malayalam (Inde) par Dominique Vitalyos
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Mar 22, 2013 | Livres et carnets, Sur les portulans |
© Rene Burri/Magnum Photos
On fait le fier, forcément. Les voyages ne forment pas seulement l’entendement. Ils aiguisent, dit-on, le regard et vous raffermissent l’âme. Peut-être même qu’à la longue ils verrouillent en vous quelque chose. On ne peut arpenter tous les désastres sans protection intérieure ; on ne court pas les incendies du monde et les détresses sans se claquemurer, mine de rien, dans une dureté minimale. Sans elle, tiendrait-on longtemps debout sur le chemin ? Tous les vrais voyages — et certains plus que d’autres — se font en apnée.
Raymond Depardon et Jean-Claude Guillebaud, La colline des anges
Retour au Vietnam (1972–1992)
Editions Points 1993
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Mar 21, 2013 | Livres et carnets, Sur les portulans |
Mme D. tombe de haut.
Nous aussi.
Éberlués, le mot est assez juste pour qualifier nos premiers pas dans ce nouvel Hanoï du printemps 1992. En moins d’un an, la capitale du Vietnam a entamé, elle aussi, une mue d’autant plus surprenante qu’elle rompt ici avec trente-huit années — et non dix-sept — de stalinisme. Je songe à la réflexion d’un diplomate de Huê : « Les différences entre les deux Vietnam s’estompent, vous verrez. Mais c’est le nord qui fait tout le chemin. » Austère, cette ville ? Ah non ! C’est une grâce alanguie qui nous accueille, une fraîcheur intacte qui s’essaie à la liberté. Et peut-être au plaisir. Faut-il, à nouveau, compter les Honda, les Simson ou les Babetta (motos est-allemandes) dans les rues ? Photographier les élégantes trop maquillées dans les allées du parc Hoàn Kiêm ? Énumérer ce fourmillement de boutiques privées, d’étalages de terrasses où l’on joue au mah jong et au tô tom ; fourmillement qui, chaque jour davantage, rivalise avec celui de Saigon ? Parler des couleurs qui chatoient désormais sur les avenues ? De l’effronterie des marchandes de litchis qui commentent à voix haute le look de l’étranger ? Raconter tout ce que l’on vous propose — mais à voix basse cette fois — sur ces trottoirs du centre qui prennent, vers le soir, des allures de frairies ?
Raymond Depardon et Jean-Claude Guillebaud, La colline des anges
Retour au Vietnam (1972–1992)
Editions Points 1993
© Raymond Depardon/Magnum Photos
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