Poèmes wag­né­riens: Wesendonck-Lieder

Karl Ferdinand Sohn - Portrait de Mathilde Wesendonck - 1850 - StadtMuseum Bonn

Karl Fer­di­nand Sohn — Por­trait de Mathilde Wesen­donck — 1850 — Stadt­Mu­seum Bonn

Richard Wag­ner écri­vit cinq poèmes musi­caux nom­més Wesen­donck-Lie­der, du nom de Mathilde Wesen­donck, poé­tesse qui fut cer­tai­ne­ment à l’o­ri­gine aus­si bien de La Wal­ky­rie que de Tris­tan et Isolde. C’est la seule fois que Wag­ner dai­gna lais­ser une autre per­sonne que lui écrire le texte de ses musiques, lais­sant une grande part de liber­té à la femme d’un de ses mécènes afin de pou­voir la voir régulièrement.
Par­mi ces cinq poèmes qui com­posent les Lie­der, deux sont des études direc­te­ment liées à l’o­pé­ra Tris­tan et Isolde : Im Treib­haus (Dans la serre) et Träume (Rêves).
Ici à l’é­coute, un titre que j’aime beau­coup pour son inten­si­té dra­ma­tique, Im Treib­haus, sur un album datant de 1950, Five Wesen­donck songs, diri­gé par Leo­pold Sto­kows­ki, Eileen Far­rell (sopra­no) au chant.

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Cartes de Constan­ti­nople depuis 1493 jus­qu’à 1922

Voi­ci de nou­velles cartes trou­vées sur un site ras­sem­blant un pro­jet com­mun aux trois ins­ti­tu­tions sui­vantes : Le His­to­ric Cities Cen­ter of the Depart­ment of Geo­gra­phy, la Hebrew Uni­ver­si­ty of Jeru­sa­lem et la Jewish Natio­nal and Uni­ver­si­ty Libra­ry. J’y ai donc trou­vé ces petits tré­sors (sauf la der­nière qui est beau­coup plus récentes mais que je trouve très inté­res­santes à plu­sieurs titres).

  1. La pre­mière date de 1493 et est due au méde­cin alle­mand Hart­mann Sche­del qui dans ses chro­niques de Nurem­berg fait la des­crip­tion de la ville. Il n’en est tou­te­fois pas le créa­teur, mais est à l’o­ri­gine de la somme qui porte le nom de Liber chro­ni­ca­rum. Sche­del mérite à lui seul un vrai article. On y voit Constan­ti­nople telle qu’elle était encore lorsque les Turcs prirent la cité, avec la muraille de Théo­dose cei­gnant encore tota­le­ment la ville, Sainte-Sophie, quelques églises qui comptent par­mi les plus impor­tantes, le quar­tier des Blan­chernes en haut à droite, des bâti­ments dont la forme géné­rale fait pen­ser aux anciennes basi­liques chré­tiennes, des mou­lins (?) et aucune mai­son. Sty­li­sée à l’ex­trême, on y per­çoit tou­te­fois une cer­taine pers­pec­tive qui montre la ville sur­éle­vée. On trouve éga­le­ment l’en­ceinte de la ville de Péra ain­si que les deux chaînes qui ferment l’en­trée de la Corne d’or.
  2. Le seconde est due à Sebas­tian Müns­ter, car­to­graphe alle­mand auteur d’une Cos­mo­gra­phia Uni­ver­sa­lis datant de 1550. La ville y est beau­coup plus détaillée sur une carte en cou­leur. On y voit déjà le palais de Top­ka­pi gros­siè­re­ment repré­sen­té et dési­gné par le terme géné­rique de Gynœ­sium (γυναικεῖον, gynae­ceum qui donne le mot gyné­cée) conden­sant l’i­mage du harem avec celle du palais entier. On y voit bien l’hip­po­drome déjà démem­bré et les restes du sphen­do­nè (cour­bure du cirque). On trouve éga­le­ment l’an­cien port (Bou­co­léon), la for­te­resse des Sept-Tours (Yedi kule) en haut à gauche, le palais de Constan­tin des Bla­chernes en haut à droite ain­si que ce qui est peut-être la mos­quée de Meh­met le Conqué­rant (Sul­tan Fatih Meh­met Kül­liye­si) puis­qu’à l’é­poque de la concep­tion de la carte, celle de Süley­man com­men­çait sa construc­tion. On trouve des lettres pour légen­der les quar­tiers, mais la légende ne s’y trouve mal­heu­reu­se­ment pas. A cette époque, on peut encore voir les restes du Palais de Constan­tin près de Sainte-Sophie.
  3. La troi­sième est due aux célèbres Georg Braun et Frans Hogen­berg, auteurs d’un atlas des villes du monde, Civi­tates Orbis Ter­ra­rum. Beau­coup plus docu­men­tée que les pré­cé­dentes, elle com­porte tou­te­fois des impré­ci­sions assez nom­breuses concer­nant les noms. On voit pour la pre­mière fois appa­raître la patriar­cat grec qui existe toujours.
  4. La qua­trième, due à Gio­van­ni Fran­ces­co Camo­cio date de 1572 et est aus­si impré­cise que fausse : le car­to­graphe a situé la Corne d’Or et donc Péra au sud de la ville alors que c’est au nord. Cela en fait une carte abso­lu­ment unique. En regar­dant bien, on voit que la carte a été des­si­née comme en miroir. Par contre, on y trouve, ain­si que sur la carte pré­cé­dente l’ins­crip­tion Alma­ra­tro au des­sus de la mos­quée de Meh­met mais qui ne cor­res­pond à rien de ce que je connais (alma­rai en arabe signi­fie prai­rie). Il est pro­bable que cela soit une forme lati­ni­sée de İmar­et Mahal­le­si (quar­tier d’İmar­et).
  5. La cin­quième date de 1573 et a été des­si­née par Simon Pinar­gen­ti, un car­to­graphe véni­tien. Si la carte n’est pas très pré­cise en terme de repré­sen­ta­tion, elle a l’a­van­tage d’être légen­dée au-des­sous. On peut voir ici tous les noms des douze portes de la ville.
  6. La sixième est due à Hen­ry de Beau­vau, homme poli­tique du XVIIè siècle et date de 1615. Pour la pre­mière fois on voit Sainte-Sophie ornée de mina­rets ; les temps changent. La carte est légen­dée mais pas dessus.
  7. La sixième date de 1638, c’est une gra­vure exé­cu­tée par le poète et gra­veur bohé­mien Daniel Meis­ner, auteur d’un superbe Thé­sau­rus phi­lo­po­li­ti­cus, un recueil de gra­vures sur la vie poli­tique et urba­nis­tique de l’é­poque. La vue est rasante, joli­ment ombrée et donne une idée de ce que pou­vait être la ville au mille mos­quée à l’é­poque, avec sa forêt de minarets.
  8. La hui­tième date de 1654 et a été exé­cu­tée par Jas­par Isac, plus gra­veur que car­to­graphe. La carte pré­sente une vue par le nord, avec Péra au pre­mier plan et pour la pre­mière fois la tour génoise de Gala­ta. Le Palais de Top­ka­pi est repré­sen­té avec plus de réa­lisme que pré­cé­dem­ment. On peut voir les restes de l’a­que­duc der­rière la mos­quée de Beya­zit et la mos­quée de Süley­man est pré­sen­tée comme étant la Roffe Mof­quée de la femme de Soly­man. Pour la pre­mière fois, on peut recon­naître à peu près toutes les mos­quées les plus impor­tantes. L’en­ceinte de Péra est confon­due avec la for­te­resse des Sept-Tours.
  9. La neu­vième date de 1686 et a été exé­cu­tée par Johann David Zun­ner. Ici Constan­ti­nople se résout à quatre monu­ments, dont tou­te­fois le vieux sérail qui se trouve être le Cara­van­sé­rail de la Sul­tane Valide (Valide Han).
  10. La dixième date de 1696 et est due à Nico­las de Fer, gra­veur et géo­graphe du Roi qui pour la pre­mière fois donne à voir une carte en sur­élé­va­tion, très belle avec éga­le­ment des nou­veaux quar­tiers, le port de Cal­cé­doine (Chal­cé­doine, aujourd’­hui Kadıköy) et le sérail de Scu­ta­ri (ancien­ne­ment Chry­so­po­lis, actuel­le­ment Üsküdar).
  11. La onzième date de 1698 et est due à Cor­ne­lis de Bruyn, des­si­na­teur, peintre, voya­geur et écri­vain néer­lan­dais qui pour la pre­mière fois des­sine le sérail de Top­ka­pi de manière très réa­liste, cer­tai­ne­ment depuis la rive de Gala­ta, peut-être même depuis la tour.
  12. La dou­zième date de 1730, exé­cu­tée par le peintre baroque alle­mand Chris­toph Tho­mas Schef­fler. La vue est très idéa­li­sée, loin­taine et prend Gala­ta au pre­mier plan, recon­nais­sable à sa tour. Remar­quez les mina­rets qui ont l’air tout droit sor­tis de châ­teaux bavarois…
  13. La trei­zième a été réa­li­sée par les ate­liers Arta­ria et com­pa­gnie situés à Vienne et a été exé­cu­tée entre 1793 et 1802. Les rele­vés sont très pré­cis notam­ment en ce qui concerne le sérail mais aus­si toutes les rives du Bosphore.
  14. La qua­tor­zième date de 1807 et a été réa­li­sée par F. Kauf­fer et I.B. Leche­va­lier et repré­sente par­fai­te­ment le détail des quar­tiers par des­sus les tra­cés du reliefs des col­lines de la ville, une carte d’une grande précision.
  15. La quin­zième date de 1922 et a été tra­cée par la Socié­té Ano­nyme Otto­mane d’E­tudes et d’En­tre­prises Urbaines qui la pré­sente comme Plan d’En­semble des quar­tiers, bâti­ments et che­mins prin­ci­paux de com­mu­ni­ca­tions de la ville de Constan­ti­nople avec les men­tions Liste des bâti­ments [sic] et monu­ments prin­ci­paux (I. Stam­boul II. Pera Gala­ta III. Sku­ta­ri) — Liste des Quar­tiers (I. Stam­boul II. Pera Gala­ta III. Sku­ta­ri) — Lignes de Tram­way — Legende. Cette carte fait état à l’é­poque de l’im­pré­gna­tion de la ville de la culture française.

D’autres cartes sont dis­po­nibles sur le site Geo­web (The car­to­gra­phi­cal and gra­hi­cal web­site of the natio­nal Libra­ry Mar­cia­na of Venice).

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Reflets du Danube: car­net de voyage à Buda­pest (jour 1)

Reflets du Danube: car­net de voyage à Buda­pest (jour 1)

Qu’est-ce qui se passe à Buda­pest ? J’ai long­temps confon­du Buda­pest et Buca­rest, sans vrai­ment cher­cher à savoir quelle ville se trou­vait où et une fois que je savais que Buca­rest était en Rou­ma­nie, c’é­tait deve­nu simple de savoir que l’autre se trou­vait en Hon­grie, mais même ça, c’é­tait vague. La Hon­grie… on l’en­tend bien dans Empire aus­tro-hon­grois (je dis bien Empire, celui des Habs­bourg, qui fut diri­gé par Fran­çois-Joseph Ier alors Empe­reur d’Au­triche), mais ça ne ren­seigne pas sur l’en­droit où ça se trouve sur la carte et je n’ai jamais réus­si à bien visua­li­ser la dis­po­si­tion des pays de l’est de l’Eu­rope. Aujourd’­hui encore, j’ai du mal et je suis par­ti là-bas sans vrai­ment savoir ce qui m’attendait.

Budapest - jour 1 - 41 - Károly körút- Tramway

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Moka au bar, petits gâteaux au gin­gembre et glögg au safran au chant du bruant des neiges

Moka au bar, petits gâteaux au gin­gembre et glögg au safran au chant du bruant des neiges

Je pen­sais avoir le temps de faire plein de choses d’i­ci à la fin de l’an­née, m’é­pan­cher sur ces lignes, deve­nir autre chose, deve­nir ico­no­graphe et puis le temps m’a rat­tra­pé. La fatigue aus­si. Je finis l’an­née affai­bli, la san­té et le som­meil en vrac, le corps qui ne suit plus et l’im­pres­sion d’être sur la corde, à deux doigts d’ex­plo­ser. Une semaine avant les vacances, j’ai la pos­si­bi­li­té de souf­fler un peu en cou­pant avec l’u­ni­ver­si­té, mais je sens au creux de ma chair que ça ne va plus. J’ai per­du du poids et je me sens mal. Alors je dépose les armes, je pré­fère m’ar­rê­ter là pour l’ins­tant et ne pas trop me mettre la pression.

Iceland 2009 - Breiðamerkurjökull

Pho­to © Breiða­mer­kur­jö­kull par Tomas Buch­tele

Je vais conti­nuer mes petites révo­lu­tions, les volon­taires et les invo­lon­taires, me lais­ser ber­cer par le res­sac inson­dable des jours qui se suc­cèdent, attendre non pas la fin du monde, mais le début de la vie. Je me rends compte que j’au­rai pas­sé mon année à m’ou­vrir aux autres, je me suis trans­fi­gu­ré, je me suis atten­dri, je me suis ouvert, j’ai com­pris ce qu’é­tait l’é­change, je me suis nour­ri de ces autres en même temps que j’ai pu venir en aide, du moins l’es­pé­ré-je modes­te­ment, et j’ai de la peine en moi quand je regarde le monde se fer­mer, se racor­nir, deve­nir triste et égoïste, se détour­ner et se replier sur lui-même, se ter­rer dans l’ombre. Cette année aura été riche, même si elle s’est dépeu­plée, très cer­tai­ne­ment parce que les pro­messes ne sont pas faites pour être tenues. Mais tout ceci fait désor­mais par­tie des ombres et res­te­ra dans l’ombre. La lumière se trouve de l’autre côté.

J’ai dépo­sé aus­si les livres, plus vrai­ment la tête à se rem­plir de loge­ment social, d’his­toire des ins­ti­tu­tions, de socio­lo­gie et de ter­ri­toire, d’ur­ba­nisme et de vie col­lec­tive, plus vrai­ment la tête non plus à se faire du mal avec le géno­cide cam­bod­gien et autres choses tristes. Je pose tout, je fais un break et je lis Jørn Riel que j’aime lire pen­dant ces jours sombres où la lumière s’ab­sente tôt le soir pour ne reve­nir que tard le matin, et je ne pense plus à rien. J’ai tout dépo­sé quelque part pour ne pas m’en sai­sir par hasard, les hasards font par­fois mal les choses. Et puis je vais dor­mir aus­si, dor­mir pour rêver et pour me repo­ser. L’hi­ver des jours lumi­neux et des soirs téné­breux pas­se­ra et le prin­temps reviendra.

Le prin­temps arc­tique. Anton, décon­cer­té, ébou­rif­fa d’une main ses che­veux. Son regard tom­ba sur les traces de pas du bruant. De petits traits noirs, en fili­grane, un des­sin dépour­vu de sens. Il fixa les traces et y lut sa propre vie. Il se sou­vint de ses rêves. Le rêve du héros polaire, le rêve de fuite. Le rêve du rêve. Dans les traces, il trou­va une sorte de lien. Ces petits traits misé­rables sans autre impor­tance que d’a­voir été lais­sées par le bruant. Ce bruant, qui avait fait des cen­taines, peut-être des mil­liers de kilo­mètres, pour pou­voir poser ses empreintes exac­te­ment ici, dans la neige devant les pieds d’Anton.

Jørn Riel, Un safa­ri arctique
Edi­tions 10/18, 1976, 1994 pour la tra­duc­tion française.

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