May 23, 2012 | Carnets de route (Osmanlı lale), La rose et la tulipe (carnet de voyage à Istanbul), Sur les portulans |
Épisode précédent : La rose et la tulipe, carnet de voyage à Istanbul 6 : Sokollu Mehmed Paşa Külliyesi (Kadırga)
On m’avait prévenu ! Le grand bazar, c’est une immense blague, c’est plein de touristes américains en bermudas qui viennent dépenser des fortunes pour couvrir de toc leur épouse en Gucci et Chanel. Effectivement, beaucoup d’argent qui passe d’une main à l’autre, beaucoup de monde, beaucoup de charlatans, beaucoup de vol institutionnalisé, bref, tout ce qui compose une parfaite carte postale pour cars de touristes chinois (exit les Japonais). Pourtant se rendre dans le grand bazar ne manque pas de charme. C’est un peu une plongée en apnée dans un monde de sirènes qui vous vantent leurs produits et vous prient instamment de visiter leur boutique pour commencer à vous vendre quelque chose, n’importe quoi, tout, pourvu que vous sortiez les Atatürk. Passée la noyade, on prend vite l’air renfrogné de celui qui ne cherche rien en particulier et souhaite qu’on lui laisse le passage, et comme avec les chiens de garde, surtout, ne jamais les regarder dans les yeux… On vous prévient, n’achetez rien sans l’avoir au préalable négocié, il existe des techniques pour cela… Pour éviter le monde, il faut éviter le grand bazar. Pourtant, c’est avec une certaine délectation que je me suis plongé dedans, je voulais connaître ça. (more…)
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May 22, 2012 | Histoires de gens, Livres et carnets |
Constantin VI, Irène l’Athénienne, Léon III, Constantin V et Léon IV
Léon IV le Khazar, qui fut emporté par son amour immodéré des richesses dorées et des breloques et en particulier de sa couronne fétiche, était le père d’un des empereurs les plus malchanceux de l’histoire de Constantinople, Constantin VI, fils d’Irène l’Athénienne. A la mort de son père, n’ayant que 9 ans, sa mère prit la régence de l’Empire, rétablissant et permettant pour un temps le culte des icônes qui fut à cette époque un des enjeux majeurs de la politique religieuse (concile de Nicée II). Personnage des plus effacés, sans réel pouvoir, complètement étouffé par une mère qui de régente se fait nommer basilissa (βασίλισσα, reine) à la suite du succès de ce concile, Constantin, jaloux de son pouvoir, s’allie aux iconoclastes pour reprendre les rênes de l’Empire, sans réel succès. Ses défaites face aux Bulgares qui poussent aux portes de Constantinople et son image désastreuse liée au fait qu’il ait divorcé puis se soit remarié avec une inconnue, Théodora, que le peuple même appelait son auguste putain, en firent un empereur détesté du peuple autant que de sa cour, qu’il a réussi à se mettre à dos par une savante manœuvre particulièrement éclairante sur sa couardise : (more…)
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May 13, 2012 | Carnets de route (Osmanlı lale), La rose et la tulipe (carnet de voyage à Istanbul), Sur les portulans |
Épisode précédent : La rose et la tulipe, carnet de voyage à Istanbul 5 : Divan Yolu Caddesi et Çemberlitaş
Dans le quartier de Kadırga, à deux pas de l’hôtel, je passe le soir venu devant un bâtiment avec une grande porte verte flanquée d’un palmier défraichi et encore ouverte alors qu’il est presque 21 heures. En venant du bas de la rue, rien n’indique qu’on est en face d’une des plus belles mosquées d’Istanbul. Construite sur le flanc d’une des collines de la ville, son complexe s’étend sur tout un pâté de maison qu’on peut à peu près apprécier lorsqu’on descend Katip Sinan Camii Sokak, seule rue qui donne une belle perspective sur l’ensemble, même si on voit plus les cheminées de la medrese que la cour de la mosquée elle-même. Son plan est tout à fait particulier puisque, comme dans une autre mosquée que je visiterai plus tard du côté d’Eminönü, il faut monter une grande volée de marches pour se retrouver dans la cour, face au şardivan. Face aux murs latéraux de l’entrée, sur le parvis, sont agenouillés de jeunes garçons qui se balancent en ânonnant des textes dont je n’arrive pas à reconnaître la langue. Tantôt debout, tantôt assis, ils expriment par ce balancement leur ferveur. Troublé par leurs gestes, je finis par me demander s’ils ne sont pas juifs, alors j’émets des hypothèses hasardeuses, me disant qu’ils viennent peut-être ici par qu’il y a peu de synagogues en ville, mais je me raisonne vite : nous sommes dans une medrese, une école coranique, et ils ne sont là que pour apprendre les versets du Coran et les réciter. D’ailleurs, l’homme que j’avais vu la veille leur parler a un aspect sévère et le charisme d’un homme d’église. Veste verte posée sur les épaules, chachia noire, barbe blanche taillée en pointe sur un visage anguleux, il n’a rien de sympathique. C’est pourtant lui qui surveille les allées et venues des quelques personnes qui y entrent. (more…)
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May 12, 2012 | Carnets de route (Osmanlı lale), La rose et la tulipe (carnet de voyage à Istanbul), Sur les portulans |
Épisode précédent : La rose et la tulipe, carnet de voyage à Istanbul 4 : Kadırga Meydanı et Emir Sinan Mahallesi
Où que l’on soit à Istanbul, d’où qu’on vienne et où qu’on aille, il est difficile de ne pas passer par Divan Yolu Caddesi. Cette artère qui traverse la ville d’est en ouest et qui sur une bonne partie est interdite à la circulation (sauf au tramway et à quelques taxis) est en réalité l’antique Mésè, une route commençant au Milion, autrefois matérialisé par un arc et qui marquait le point de référence à partir duquel toutes les distances étaient calculées (dont il ne reste aujourd’hui plus qu’un fragment discret non loin de la citerne basilique) et qui rejoignait aux limites de la muraille de Théodose la porte dorée donnant accès à la route vers Rome. Cette route traversait alors le forum de Constantin, dont il ne reste plus aujourd’hui qu’une colonne au sommet de laquelle l’Empereur était représenté sous la forme d’Apollon-Hélios, colonne qu’on appelle aujourd’hui en turc Çemberlitaş ou colonne cerclée. (more…)
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May 11, 2012 | Carnets de route (Osmanlı lale), La rose et la tulipe (carnet de voyage à Istanbul), Sur les portulans |
Carnet de voyage à Istanbul 4 : Kadırga Meydanı et Emir Sinan Mahallesi
Nous sommes entrés dans Istanbul sous une pluie battante, et la première image qui nous est apparue au travers des vitres sales et embuées du taxi orange dont les essuie-glaces semblent ne fonctionner que sur le mode intermittent, c’est la longue avenue qui borde la mer de Marmara, avec ses restaurants de poisson, les marchés aux étalages généreux où reposent, la gueule ouverte, des bêtes impressionnantes ; raies, turbots, flétans. Nous traversons la muraille de Théodose, puis la gare maritime de Yenikapı dont les vedettes rapides filent vers l’Asie, Bursa ou les îles des Princes, et toujours en continuant Kennedy Caddesi vers le cœur de la ville, le chauffeur qui semble bloqué du cou essaie par des mouvements brusques de se décoincer, mais sans succès. C’est un homme d’une trentaine d’années, engoncé dans un pardessus en laine trop petit pour lui, mal rasé et dont le regard par dessous en raison de son cou bloqué peut sembler menaçant. Il ne décroche pas un mot de tout le voyage, me laissant une impression un peu froide pour un premier contact. Nous nous enfonçons dans la vieille ville en passant sous la voie de chemin de fer : c’est un autre univers ici, petites rues pavées dégoulinantes de pluie et de boue, maisons de bois s’avançant sur la rue, des quidams traversent dans tous les sens devant le taxi qui ne s’embarrasse pas de la présence des autres. Le taxi s’arrête pour demander son chemin à un jeune homme portant chemise blanche et gilet blasonné ; je le retrouverai plus loin puisque c’est lui qui portera les valises jusque dans la chambre. Juste avant d’arriver là, nous arrivons sur une grande place verdoyante, aux massifs plantés de tulipes qui ont souffert de la pluie et du vent. Je me dis que c’est le quartier que je vais avoir pour hôte pendant quelques jours, tout va graviter autour ce petit quartier populaire animé, ce café des sports où les hommes sont entre eux à boire du thé ou à regarder les matches de foot endiablés la nuit tombée, ces petites rues qui ne paient pas de mine partant en étoile depuis la place et où pourtant siège la vraie vie stambouliote, loin du tumulte du centre de la ville.
Kadırga Meydanı
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