Tyr et Sidon, vus de loin…

Pho­to © Carole Dar­chy

Tyr, Sidon, beaux noms, creux aujourd’­hui, où chante seul le bruit de la mer, vous êtes morts, embau­més sous les citron­niers et les oran­gers. Dans les ver­gers irri­gués d’eau du Liban, si fraîche qu’y vivraient les truites, der­rière les murs de terre rui­neux, le pré­sent, lui aus­si, s’est écrou­lé. Ces deux vil­lages de pêcheurs, Sour et Saï­da, furent une fois toute l’his­toire du monde ; l’es­sence de l’es­prit médi­ter­ra­néen, de la science venue de Chal­dée, l’art déco­ra­tif, l’in­dus­trie et le com­merce de la race blanche vécurent sur ces deux pro­mon­toires, deux mille ans avant le Christ. Cèdres des­ti­nés aux pla­fonds du Temple de Jéru­sa­lem et aux flottes du Pha­raon, c’est ici que vous pas­sâtes, débi­tés en madriers. Que les muf­tis, évêques maro­nites, les patriarches ortho­doxes se dis­putent les vieux os blan­chis de ces reines-sœurs.

Paul Morand, 1938

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Mémoires euro­péennes du goulag

C’est une époque dont on parle avec éloi­gne­ment car si peu de choses nous y ren­voient direc­te­ment, une frac­ture du temps aus­si dou­lou­reuse que la Shoah mais dont on témoigne moins car ceux qui en sont reve­nus n’en ont pas for­cé­ment fait état — il fal­lait bien oublier. Cette période fait par­tie des heures sombres de l’Eu­rope, entre 1939 et 1953 où l’en envoyait des inno­cents (ou dis­si­dents, mais quelle est la dif­fé­rence ?) “dans les mines de sel”, “en Sibé­rie”, à “Arkhan­gelsk”, des noms de lieux qui son­naient comme des châ­ti­ments du juge­ment der­nier. Russes, Polo­nais, res­sor­tis­sants des anciens pays baltes annexés par la Rus­sie Sovié­tique, Tad­jidks, Mol­daves, Bié­lo­russes ou Ukrai­niens, Ouz­beks ou Kaza­khs autre­fois tous réunis sous la même ban­nière rouge tachée d’une fau­cille et d’un mar­teau, sans dis­tinc­tion, étaient envoyés dans ces camps de la mort sta­li­niens dont on a été jus­qu’à nier l’exis­tence ; les gou­lags.

Jonas Žemai­tis-Vytau­tas, géné­ral des par­ti­sans avec ses com­pa­gnons d’armes,
autour de 1948.

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Nuit sur le mont chauve (Ночь на лысой горе)

Une nuit sur le Mont Chauve (Ночь на лысой горе) est cer­tai­ne­ment le chef d’œuvre de Modeste Mous­sorg­ski. Le com­po­si­teur, mort alcoo­lique, rui­né et soli­taire avait là, avec les Tableaux d’une expo­si­tion, joué son va-tout. Com­po­sé comme un poème en s’ins­pi­rant d’une nou­velle de Nico­las Gogol, Nuit de la Saint-Jean sur le mont Chauve (in Les soi­rées du hameau), cette pièce porte en elle une dimen­sion dra­ma­tique hal­lu­ci­nante. En quelques douze minutes, sont évo­quées suc­ces­si­ve­ment l’ap­pa­ri­tion d’es­prits des croyances païennes russes, des ado­ra­tions sus­pectes, le sab­bat des sor­cières et le retour au jour au son de la cloche du vil­lage. Une pièce sévère, majes­tueuse qui révèle à la fois l’âpreté de l’âme russe et sa grandeur.
La ver­sion la plus jouée est celle que le com­po­si­teur Niko­laï Andreïe­vitch Rim­ski-Kor­sa­kov a réor­ches­tré en 1908. Cer­tains auront décou­vert ce mor­ceau grâce au Fan­ta­sia de Walt Dis­ney, mais dans mon cas c’est sur la bande ori­gi­nale du film Satur­day Night Fever, où la reprise dis­co n’est pas sans charme…

[audio:chauve.xol]

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Fische der Süd­see (Jour­nal des Museum Godeffroy)‎

Le Museum Godef­froy, autre­fois ins­tal­lé à Ham­bourg entre 1861 et 1876, était une petite entre­prise fami­liale née du com­merce avec l’A­mé­rique cen­trale, les Caraïbes et plus tard l’A­mé­rique du Sud. D’o­ri­gine fran­çaise, les Rochel­lois hugue­nots de la famille Godef­froy se sont ins­tal­lés en Alle­magne au bord de la mer, suite à la révo­ca­tion de l’Édit de Nantes et ont consti­tué une flotte qui attein­dra vite 27 bateaux. Le sieur Johann Cesar IV Godef­froy deman­dait à ses capi­taines de vais­seaux de rame­ner de cha­cun de ses voyages tout ce qui pou­vait consti­tuer la base d’une connais­sance en his­toire natu­relle et eth­no­lo­gique. La somme des objets rame­nés ser­vit en 1876 à sol­der les comptes de l’en­tre­prise lors de la ban­que­route de celle-ci et les col­lec­tions furent épar­pillées entre plu­sieurs musées alle­mands. Il en reste aujourd’­hui ce fameux Jour­nal des Museum Godef­froy, riche de table d’illus­tra­tions des­si­nées par les frères Sem­per ou l’ex­plo­ra­teur Andrew Gar­rett, dont voi­ci 86 planches super­be­ment illus­trées, colo­rées, autour des pois­sons des mers du sud. Les planches ont été regrou­pées dans une gale­rie visible en cli­quant sur ce lien, accom­pa­gnée par Por­ti­co Quar­tet, avec le mor­ceau Knee-Deep In The North Sea.
Un peu plus tard, seront regrou­pées ici les planches d’illus­tra­tion des six tomes com­pi­lant les actes du Museum.

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