La tigresse (vase You de la dynas­tie Shang)

De la dynas­tie des Shang 商朝 (ou Yin) s’é­ten­dant du XVIIIè au XIè siècle avant Jésus-Christ nous est par­ve­nue cette tigresse, carac­té­ris­tique de l’âge du bronze chi­nois ; elle mesure 32 cm de haut et repré­sente une féline pos­tée sur ses pattes arrière et sa queue, tenant dans son giron une sil­houette humaine, la gueule ouverte ren­fer­mant la tête. Le décor recou­vrant cet objet de déco­ra­tion riche des­ti­né à rece­voir des bois­sons fer­men­tées est par­ti­cu­liè­re­ment fin et recher­ché, se confon­dant en volutes car­rées et a pour par­ti­cu­la­ri­té d’être cou­vert de repré­sen­ta­tions animalières.
Cette tigresse, sous son aspect pro­tec­teur, serait en fait rela­tive à une légende selon laquelle Ziwen, petit-fils de Ruoao, aurait été recueilli bébé par une tigresse qui l’au­rait éle­vé. On retrouve trace de ce récit dans les Annales des Prin­temps et des Automnes (春秋 Chūn Qiū) com­men­té dans le com­men­taire de Zuo (左傳). L’in­ter­pré­ta­tion du sacri­fice rituel ou du rite cha­ma­nique n’est pas à exclure, même si l’at­ti­tude du per­son­nage laisse trans­pa­raitre une cer­taine sérénité.

Pho­to © Sté­phane Piera /
Musée Cer­nu­schi / Roger-Viollet

Le car­tel de la tigresse sur le site du Musée Cernuschi.

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Le car­net de Vil­lard de Honnecourt

Vil­lard de Hon­ne­court nous vient tout droit du début du XIIIè siècle, de sa Picar­die natale. Sa pro­fes­sion était magis­ter lato­mus, c’est-à-dire maître d’œuvre, pro­fes­sion dans laquelle on recon­naît le titre de des­si­na­teur, archi­tecte, chef de chan­tier et com­pa­gnon du devoir. Vil­lard n’a­vait en soi rien d’ex­cep­tion­nel, si ce n’est que l’homme était un voya­geur, un artiste et cer­tai­ne­ment une per­sonne recon­nue dans la pro­fes­sion des bâtis­seurs de cathé­drales, mais il nous a lais­sé un témoi­gnage de son art dans son car­net, car l’homme était des­si­na­teur de talent, lais­sant une trace des monu­ments qui lui ont plu, expé­ri­men­tant diverses tech­niques pour des­si­ner les pro­por­tions d’un corps humain ou appli­quer des moyens mné­mo­tech­niques. On y trouve éga­le­ment des recettes, des planches natu­ra­listes et des scènes religieuses.
Le car­net conte­nait à l’o­ri­gine une cen­taine de pages au for­mat 14x22, mais il n’en reste plus qu’une soixan­taine aujourd’­hui, par­fai­te­ment conser­vés à la Bil­bio­thèque Natio­nale de France. (more…)

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L’ex­pé­rience du sacré

Pho­to © Tho­mas Berg

Der­nier tableau pour Zweig avec ce pas­sage de toute beau­té, lorsque la femme qui raconte son his­toire se laisse ber­cer d’illu­sions sur le jeune homme qu’elle a l’in­ten­tion de sau­ver. Un regard amou­reux, tendre, mais biai­sé. Nécessairement.

Il répé­ta ces paroles en trem­blant : avec force et net­te­té elles réson­nèrent dans le vide abso­lu du lieu. Puis il y eut un moment de silence, si grand que l’on pou­vait entendre au-dehors le léger bruis­se­ment des arbres et des feuilles où le vent pas­sait. Et sou­dain, il se pros­ter­na comme un péni­tent et il pro­non­ça, avec une extase toute nou­velle pour moi, en langue polo­naise, très vite et sans inter­rup­tion, des paroles que je ne com­pre­nais pas. Mais ce devait être une prière exta­tique, une action de grâce, un acte de contri­tion, car cette confes­sion tem­pé­tueuse cour­bait sa tête hum­ble­ment par-des­sus l’ap­pui du prie-Dieu ; tou­jours plus pas­sion­nés se répé­taient les sons étran­gers, et c’é­tait tou­jours avec plus de véhé­mence qu’une même parole jaillis­sait de sa bouche avec une indi­cible fer­veur. Jamais aupa­ra­vant et jamais depuis lors, je n’ai enten­du prier de la sorte dans aucune église du monde. Ses mains étrei­gnaient ner­veu­se­ment le prie-Dieu en bois, tout son corps était secoué par un oura­gan inté­rieur, qui par­fois le sou­le­vait brus­que­ment et par­fois l’ac­ca­blait dans une pros­ter­na­tion pro­fonde. Il ne voyait ni ne sen­tait plus rien : tout en lui sem­blait se pas­ser dans un autre monde, dans un pur­ga­toire de la méta­mor­phose ou dans un élan vers la sphère du sacré.

Ste­fan Zweig, Vingt-quatre heures de la vie d’une femme
1927, Leip­zig
(titre ori­gi­nal : Vie­rundz­wan­zig Stun­den aus dem Leben einer Frau, in Ver­wir­rung der Gefühle. Drei Novel­len)

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La gra­ti­tude

doug-wheller

Pho­to © Doug Whel­ler

J’ai déjà ten­té à plu­sieurs reprises de vous décrire l’expressivité excep­tion­nelle de sa phy­sio­no­mie et de tous ses gestes ; mais celui-là, je ne puis le dépeindre, car c’était une béa­ti­tude si exta­tique et si sur­na­tu­relle qu’on n’en voit presque jamais de pareille dans une figure humaine ; elle n’était com­pa­rable qu’à cette ombre blanche qu’on croit aper­ce­voir au sor­tir d’un rêve lorsqu’on s’imagine avoir devant soi la face d’un ange qui disparait.
Pour­quoi le dis­si­mu­ler ? Je ne résis­tai pas à ce regard. La gra­ti­tude rend heu­reux parce qu’on en fait si rare­ment l’expérience tan­gible ; la déli­ca­tesse fait du bien, et, pour moi, per­sonne froide et mesu­rée, une telle exal­ta­tion était quelque chose de nou­veau, de bien­fai­sant et de déli­cieux. Et tout comme cette homme ébran­lé et bri­sé, le pay­sage aus­si, après la pluie de la veille, s’était magi­que­ment épanoui.

Ste­fan Zweig, Vingt-quatre heures de la vie d’une femme
1927, Leip­zig
(titre ori­gi­nal : Vie­rundz­wan­zig Stun­den aus dem Leben einer Frau, in Ver­wir­rung der Gefühle. Drei Novel­len)

Ste­fan Zweig, au terme d’une vie mon­daine mar­quée par l’errance, met­tra fin à ses jours à Petro­po­lis, Bré­sil, le 22 février 1942, écœu­ré et ren­du inca­pable de vivre du fait de l’étreinte de son pays et sa culture par le nazisme. Il lais­se­ra une lettre qui se ter­mine avec ces mots :

« Je salue tous mes amis. Puissent-ils voir encore l’aurore après la longue nuit ! Moi je suis trop impa­tient, je pars avant eux. »

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Cabal­le­ros de otro mundo

Un peu de musique médié­vale de bonne qualité…

[audio:caballeros.xol]

Cabal­le­ros de otro mun­do (Os que boa morte mor­ren)
Extrait de l’al­bum Cabal­le­ros, par Eduar­do Pania­gua, grand spé­cia­liste de musique médié­vale espa­gnole et anda­louse en par­ti­cu­lier, d’a­près le réper­toire des can­tiques d’Alphonse X de Cas­tille, dit le Sage (el sabio) avec le groupe Musi­ca Anti­gua.

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