Des cinq points en amours

De retour du châ­teau d’E­couen pour une visite théâ­tra­li­sée avec la troupe du Théâtre de la Val­lée, je découvre avec un cer­tain plai­sir ces quelques mots susur­rés de Clé­ment Marot, celui qui fut pro­tes­tant sans gran­de­ment le dire et grand coquin sans gran­de­ment le cacher…

Fleur de quinze ans (si Dieu vous sauve et gard)
J’ai en amours trou­vé cinq points exprès :
Pre­miè­re­ment, il y a le regard,
Puis le devis, et le bai­ser après ;
L’at­tou­che­ment le bai­ser suit de près,
Et tous ceux-là tendent au der­nier point,
Qui est, et quoi ? Je ne le dirai point :
Mais s’il vous plaît en ma chambre vous rendre,
Je me met­trai volon­tiers en pourpoint,
Voire tout nu, pour le vous faire apprendre.

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Por­ti­co Quar­tet (Knee-deep in the North Sea)

Por­ti­co Quar­tet, c’est une ren­contre fas­ci­nante, un son pur et des mélo­dies envoû­tantes, à che­val entre le free-jazz et la musique cari­béenne. Quatre jeunes gar­çons venus de Londres (non, pas dans le vent) jouant dans la rue et quelques années plus tard, ils arrivent dis­crè­te­ment par chez nous avec cet album qui date tout de même de 2007, Knee-deep in the North Sea. Dif­fi­cile de ne pas tom­ber amou­reux de ces sono­ri­tés douces qu’on croi­rait tout droit sor­ties des îles, sur­tout à cause du son par­ti­cu­lier de cet ins­tru­ment rare, le hang, un ins­tru­ment tout récent, inven­té en 2000, dont la sono­ri­té n’est pas sans rap­pe­ler celle du steel-drum.

[audio:portico.xol]

Un jazz sobre et élé­gant, sans fio­ri­tures, qui fonc­tionne par­fai­te­ment. Por­ti­co Quar­tet. Ici le titre phare de l’al­bum, mais vous pou­vez y allez les yeux fer­més, il n’y a rien à jeter. Non, le jazz n’est par mort et pour le coup, on se croi­rait par­fois dans une mou­ture des Lone­ly Bears ou de Maha­vi­sh­nu McLaugh­lin

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Mots d’un voca­bu­laire oublié VI

Aver­tis­se­ment: billet à haute teneur en mots rares et pré­cieux, sau­vés de l’oubli.

  1. 1er volet
  2. 2nd volet
  3. 3ème volet
  4. 4ème volet
  5. 5ème volet
  6. 6ème volet
  7. 7ème volet
  8. 8ème volet
  9. 9ème volet
  10. 10ème volet

Alé­rion

Un alé­rion est un aiglon ou un petit aigle sans bec ni pieds, uti­li­sé en héral­dique. On le repré­sente mon­trant l’estomac, le vol éten­du, mais sou­vent abais­sé. Ce nom vient de « aliers », vieux mot gau­lois dési­gnant une espèce d’oiseau vivant de rapine. Ménage le fait déri­ver du mot latin « aqui­la­rio », dimi­nu­tif de « aqui­la », dési­gnant l’aigle.
Quoique l’A­lé­rion soit rare en héral­dique, nous devons men­tion­ner l’é­cu de Lor­raine qui est : d’or, à la bande de gueules, char­gée de trois alé­rions d’argent, posés dans le sens de la bande. On croit que la mai­son de Lor­raine a adop­té cet oiseau, parce que Alé­rion est l’a­na­gramme de Lor­raine. (source Au bla­son des armoi­ries)

Bla­son de la ville de Freis­troff, Moselle

Bétyle

Le mot bétyle pro­vient de l’hé­breu ‘Beth-el’ (« demeure divine » ou « Mai­son de Dieu »). Par la suite, ce mot est uti­li­sé par les peuples sémi­tiques pour dési­gner les aéro­lithes, appe­lés éga­le­ment « pierres de foudre ».
Les bétyles sont dési­gnées chez de nom­breux peuples anciens par le nom de « pierres noires ». En par­ti­cu­lier, la pierre noire qui est enchâs­sée dans la Kaa­ba, à La Mecque, est étroi­te­ment liée à l’his­toire d’Abraham.
Un bétyle est une météo­rite, au sens strict ou sup­po­sé, dans laquelle les anciens voyaient la mani­fes­ta­tion d’une divi­ni­té, tom­bée du ciel. Les bétyles étaient ordi­nai­re­ment l’ob­jet d’un culte et par­fois d’offrandes.
Les bétyles sont donc des pierres qui sont consi­dé­rées comme des « demeures divines » par les peuples anciens. Dans le récit de la Genèse, le nom de ‘Beith-el’ est éga­le­ment don­né à la pierre de Jacob, et ce nom fut appli­qué par exten­sion au lieu même où il avait eu sa vision pen­dant que sa tête repo­sait sur la pierre.
Par exten­sion, un bétyle est donc une pierre sacrée en général.

Dans la tra­di­tion biblique, un bétyle est une pierre dres­sée vers le ciel sym­bo­li­sant l’i­dée de divi­ni­té. L’o­ri­gine de cette pierre est attri­buée à une scène de Jacob à Béthel. Celui-ci, endor­mi sur une pierre, rêve d’une échelle dres­sée vers le ciel et par­cou­rue par des anges, quand Dieu lui appa­raît et lui donne en pos­ses­sion la pierre en ques­tion. Jacob com­prend alors que la pierre est une porte vers le ciel et vers la divi­ni­té. D’une posi­tion allon­gée, il la fait pas­ser à une posi­tion ver­ti­cale et y répand de l’huile. Il la nomme Béthel (Beth : mai­son, El : divi­ni­té « mai­son de Dieu »).

Un bétyle ne repré­sente pas Dieu, mais signale sa présence.

Repo­soir à bétyle, Petra, Jordanie.

Incuse

Nom fémi­nin. Se dit d’une face d’une mon­naie qui pré­sente la même gra­vure que l’autre face mais en creux. Ce type de frappe assez rare se ren­contre dans les mon­naies grecques antiques archaïques. Éga­le­ment uti­li­sé pour des impres­sions sur la tranche des pièces de monnaie.
Se dit de cer­taines médailles frap­pées d’un seul côté, par la négli­gence et la pré­ci­pi­ta­tion des ouvriers.
Lat. incu­sus, frap­pé, de in.… 2, et cudere, frap­per, imprimer.

Incuse trou­vée sur les bords de la Mer Noire.

 

Intaille

Une intaille est une pierre dure et fine gra­vée en creux pour ser­vir de sceau ou de cachet. Elle peut être pré­sen­tée seule ou mon­tée en bague, bijou ou faire par­tie d’une parure.
C’est le contraire du camée qui est une pierre gra­vée en relief.

L’utilisation des intailles, incon­nue des Celtes, est liée à la pro­gres­sion de la civi­li­sa­tion romaine. Elles sont plus nom­breuses dans les régions urba­ni­sées, les zones de pas­sage ou d’occupation mili­taire. Leur usage a dû se répandre avec l’écriture, ser­vant entre autre à cache­ter les lettres et tablettes. À la fonc­tion déco­ra­tive de ces bijoux, s’ajoutait par­fois un carac­tère magique ou politique.

Sous Auguste, l’exécution est soi­gnée, les motifs s’inspirent sou­vent de la mytho­lo­gie grecque. L’élargissement de la clien­tèle impose une sim­pli­fi­ca­tion des motifs et du tra­vail. Si les intailles ne reflètent guère de spé­ci­fi­ci­té locale, le pan­théon romain et les sujets mili­taires sont les plus repré­sen­tés. On trouve aus­si des scènes cham­pêtres et de chasse, des ani­maux de tout genre et des créa­tures mythiques. Les pierres, de dimen­sions et d’exécution assez humbles, sont presque toutes de la vaste famille des quartz. Si celles-ci ont été impor­tées, notam­ment de l’Italie sep­ten­trio­nale, d’autres intailles en pâte de verre, imi­tant les pierres pré­cieuses, sortent de la pro­duc­tion locale. Des près de 300 intailles réper­to­riées, la majo­ri­té pro­vient du Titel­berg et de Dal­heim. Indices d’une cer­taine aisance finan­cière, leur popu­la­ri­té crois­sante va de pair avec l’essor éco­no­mique de la Gaule aux Ier et IIe siècles mais ne sur­vit pas aux troubles du IIIe siècle. Au IVe siècle, la dis­pa­ri­tion de la glyp­tique est accé­lé­rée par l’expansion du chris­tia­nisme qui ne laisse guère de place aux sujets païens.
Á l’époque franque, des intailles romaines ont été récu­pé­rées dans des bijoux en or. (Source MNHA)

Anneau plat en or et cha­ton dis­coïde en jaspe vert. Art parthe, 1er siècle.

Pyrée

Terme d’an­ti­qui­té. Autel du feu, dans la reli­gion des mages.
Le Guèbre, esclave des Turcs ou des Per­sans ou du Grand Mogol, peut-il comp­ter pour sa patrie quelques pyrées qu’il élève en secret sur des mon­tagnes ? [Vol­taire, Dic­tion­naire philosophique].
En grec, lieu où les Perses entre­te­naient le feu sacré, du grec, feu.

“(En) com­mé­mo­ra­tion, pour Celui dont le nom est béni. Zabd’a­teh, fils de Haga­gu, fils de Bar’a­teh ‘Alay­ba’al, a fait l’au­tel et le brû­loir (?) pour sa vie, la vie de ses fils et la vie de son (ou ses) frère(s), au mois de Nisan, l’an 453.”

Autel : pyrée à encens dédié au “Dieu ano­nyme” . Avril 142 après J.-C.
Pal­myre (ancienne Tad­mor), Syrie. Calcaire
Dépar­te­ment des Anti­qui­tés orien­tales. Musée du Louvre

Pro­to­mé

Un pro­to­mé est une repré­sen­ta­tion en avant-corps d’un ani­mal réel ou fic­tif ou d’un monstre, tête plus ou moins la par­tie anté­rieure (poi­trail plus ou moins les membres anté­rieures) employée comme motif déco­ra­tif ou ser­vant de sup­port dans des élé­ments archi­tec­tu­raux le plus sou­vent antiques.

Le pro­to­mé forme soit la tota­li­té, soit — ce qui est beau­coup plus sou­vent le cas — une par­tie d’un objet. Tech­ni­que­ment, on peut les clas­ser entre les objets zoo­morphes ou anthro­po­morphes et les objets ornés d’une tête ani­male ou humaine. Lors­qu’ils ont une valeur sym­bo­lique, leur signi­fi­ca­tion est la même que celle de l’a­ni­mal ou de l’être humain figu­ré en entier : la par­tie équi­vaut au tout, selon une conven­tion extrê­me­ment répandue.

Rhy­ton (corne à boire) à pro­tome de gazelle. Fin VIe — IVe siècle avant J.-C.
Argent par­tiel­le­ment doré, Dépar­te­ment des Anti­qui­tés orien­tales, Musée du Louvre

 

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Com­ment Pan­ta­gruel ren­con­tra ung Lymou­sin qui contre­fai­soit le Fran­çoys (car le pauvre Lymou­sin se conchyoit toutes ses chausses)

On ne le dira jamais assez, Rabe­lais est fin lit­té­ra­teur, mer­veilleux racon­teur d’his­toires. En cher­chant le mot « dilu­cule » qui se trouve être le moment oppo­sé au cré­pus­cule, je suis tom­bé sur cet extrait de Pan­ta­gruel tel qu’il a été écrit  en 1532, sans trans­lit­té­ra­tion du fran­çais de l’é­poque. Pas besoin de com­men­ter le texte, il est assez élo­quent. Le fran­çais de l’é­poque est tout de même assez com­pré­hen­sible et on découvre un Rabe­lais défen­seur de la langue parlée.

Illus­tra­tion des Songes dro­la­tiques de Pan­ta­gruel

Quelque jour, que Pan­ta­gruel se pour­me­noit après soup­per avecques ses com­pai­gnons par la porte dont l’on va à Paris, il ren­con­tra ung eschol­lier tout jol­liet, qui venoit par icel­luy che­min; et, après qu’ilz se furent saluez, luy deman­da : ” Mon amy, dont viens tu à ceste heure ? “. L’es­chol­lier luy respon­dit : ” De l’alme, inclyte et célèbre aca­dé­mie que l’on vocite Lutèce.
— Quest-ce à dire ? dist Pan­ta­gruel à ung de ses gens.
— C’est (respon­dit-il), de Paris.
— Tu viens duncques de Paris, dist il. Et à quoy pas­sez vous le temps, vous aultres, mes­sieurs estu­dians audict Paris ?
Respon­dit l’es­chol­lier : ” Nous trans­fré­tons la Séquane au dilu­cule et cré­pus­cule; nous déam­bu­lons par les com­pites et qua­dri­viez de l’urbe; nous des­pu­mons la ver­bo­ci­na­tiun latiale , et, comme veri­si­miles amo­ra­bundes, cap­tons la béné­vo­lence de l’om­ni­juge, omni­forme, et omni­gène sexe fémi­nin. Cer­taines dié­cules, nous invi­sons les lupa­nares de Champ­gaillard, de Mat­con, de Cul-de-Sac, de Bour­bon, de Hus­lieu, (…) puis, cau­po­ni­zons ès tabernes méri­toires de la Pomme de Pin, de la Mag­da­leine, et de la Mulle, belles spa­tules ver­ve­cines, per­fo­ra­mi­nées de pétro­sil. Et si, par forte for­tune, y a rari­té ou pénu­rie de pécune en nos mar­su­piez, et soyent exhaus­tez de métal fer­ru­gi­né, pour l’es­cot nous dimit­tons nos codices et ves­tez oppi­gne­rées, pres­tu­lans les tabel­laires à venir des Pénates et Larez patrioticques. ”
A quoy Pan­ta­gruel dist : ” Quel diable de lan­gaige est cecy ? Par Dieu, tu es quelque hérétique.
— Sei­gnor non, dist l’eschollier (…)
— Et bren, bren ! dist Pan­ta­gruel, qu’est ce que veult dire ce fol ? Je croy qu’il nous forge icy quelque lan­gaige dia­bo­lique, et qu’il nous cherme comme enchanteur . ”
A quoy dist ung de ses gens : ” Sei­gneur, sans nulle doubte, ce gal­lant veult contre­faire la langue des Pari­siens; mais il ne faict que escor­cher le latin, et cuyde ain­si pin­da­ri­ser, et il luy semble bien qu’il est quelque grand ora­teur en Fran­coys, parce qu’il dédaigne l’u­sance com­mun de par­ler. ” A quoy dist Pan­ta­gruel : ” Est-il vray ? ” L’es­chol­lier respon­dit : ” Sei­gneur, mon génie n’est point apte nate à ce que dit ce fla­gi­tiose nébu­lon, pour esco­rier la cuti­cule de nostre ver­na­cule Gal­licque, mais vice ver­se­ment je gnave opère, et par vèles et rames, je me énite de le locu­plé­ter de la redun­dance latinicome.
— Par Dieu, dist Pan­ta­gruel, je vous appren­dray à par­ler. Mais devant, responds moy : dont es tu ? ” A quoy dist l’es­chol­lier : ” L’o­ri­gine pri­mève de mes aves et ataves fut indi­gène des régions lémo­vicques, où requiesce le cor­pore de l’a­gio­tate sainct Martial.
— J’en­tends bien, dist Pan­ta­gruel. Tu es Lymou­sin, pour tout potaige. Et tu veulx icy contre­faire le Pari­sien. Or viens çà, que je te donne ung tour de peigne ! ” Lors le print à la gorge, luy disant : ” Tu escorches le latin : par sainct Jehan, je te feray escor­cher le renard ; car je te escor­che­ray tout vif. ”
Lors com­men­ça le pauvre Lymou­sin à dire : ” Vée dicou, gen­ti­lastre ! Ho, sainct Mar­sault, adjou­da my ! Hau, hau, lais­sas à quau, au nom de Dious, et ne me tou­quas grou ! ” A quoy dist Pan­ta­gruel : ” A ceste heure parles tu natu­rel­le­ment.. ” Et ain­si le lais­sa : car le pauvre Lymou­sin se conchyoit toutes ses chausses.

Rabe­lais, Pan­ta­gruel (1532) Cha­pitre VI

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