Feb 18, 2011 | Eclairs de génie |
PERSPECTIVAS E SKETCHES, Portifólio de ilustrações arquitetônicas e desenhos pessoais. Un vrai beau blog avec du croquis et de l’architecture appliquée. Passées les choses un peu criardes, on trouve vite de petits bijoux de sensualité.
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Feb 18, 2011 | Arts |
Il fut un temps où lorsque l’on fabriquait des outils, on investissait sur leur durée de vie, sur leur solidité et leur résistance au temps et à l’usure. Ce temps était le temps de la pièce unique, de l’objet utile en tant que fabrication unique — en son genre et en son état — et de la chose en tant qu’objet d’art ou d’artisanat. Des premiers outils issus de la pierre aux plus récents — tant qu’ils ne furent pas fabriqués à la chaine — on retrouve avec une certaine émotion la trace de la main de l’Homme dans la forme parfois hésitante, pas encore conçue avec les principes de l’ergonomie ou l’assistance d’une ordinateur qui calcule automatiquement le meilleur coefficient de pénétration dans l’air ou la plus grande résistance à la viscosité cinématique exprimée en centistokes (cSt) ou en secondes Saybolt Universal…
[audio:berceuse.xol]
Outils de charpentier, Encyclopédie Diderot
A l’autre bout de la chaîne, dans notre époque de vitesse et de surabondance de biens, on a découvert au beau milieu de mécaniques censées résister de plus en plus longtemps au temps et à l’usure deux types différents d’objets : les indestructibles et les cassants.
Les indestructibles, ce sont par exemple ces moteurs de voiture construits intégralement en céramique dans les années 80 par Toyota, pouvant résister à de très hautes températures, ce qui permettait de s’affranchir d’un système de refroidissement et d’allonger la durée de vie du moteur de manière exponentielle. Ce sont toutes les applications nées de la modernité, de l’incroyable avancée des technologies et de la recherche sur laquelle se jouent des investissements colossaux. Mettre une telle voiture sur le marché aurait assuré le succès momentané de la firme… et sa chute vertigineuse…
Les cassants, ce sont de drôles d’objets qu’on a commencé à découvrir dans l’ère d’après-guerre à l’intérieur de nos outils électroménagers par exemple, ou dans les voitures… Ce sont des objets, des pièces fabriquées dans des matières peu solides, susceptibles de casser avec une usure légère et permettant un renouvellement permanent du matériel, comme les courroies de distribution en caoutchouc ou les filtres de machine à laver en matière plastique.
Il est évident qu’une voiture increvable qui pourrait parcourir un million de kilomètres sans avoir besoin de remplacer la moindre pièces sous condition d’un minimum d’entretien, ou une machine à laver qui pourrait fonctionner pendant toute une vie, il est évident que ces objets éternels seraient une catastrophe pour l’industrie, et pour l’emploi… C’est la raison pour laquelle un économiste du début du vingtième siècle, Bernard London, inventa la notion d’obsolescence programmée suite aux pressions infernales des cartels lobbyistes américains. L’obsolescence programmée consiste en un effort de recherche visant à réduire l’efficience d’un objet pour leur faire vieillir prématurément et ainsi permettre son remplacement de manière précoce. Ceci a évidemment des conséquences dévastatrices sur la gestion des déchets et l’écologie… On tenta même d’instituer en légiférant l’obligation de remplacement des biens de consommation, sans succès. Le designer Brooks Stevens se fit le chantre de cette nouvelle absurdité technologique en étudiant tout particulièrement la réduction de la durée de vie de l’objet créé.
Harlequin Rural Station Wagon, 1958, Milwaukee Art Museum, Brooks Stevens Archive
Que penser alors de cette fameuse ampoule (j’aime beaucoup le terme anglais lightbulb) de Livermore qui a été fabriquée avec un tel soin et avec tant de qualité qu’elle brille sans discontinuer depuis plus d’un million d’heures, soit depuis 1901 exactement ? Est-ce de la magie ? Est-ce un phénomène paranormal ? Non. Ce n’est que le reliquat d’une époque où l’on prenait soin de l’objet fabriqué et où le souci de rentabilité n’était pas encore à l’ordre du jour. Une époque à peu près saine en somme…
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Feb 16, 2011 | Arts |
Ce soir, à la radio, chantait la voix d’André Gide, vieux monsieur vénérable de quatre-vingt ans s’insurgeant contre la colonisation du Congo par la France et ses compagnies de transformation du caoutchouc qui n’hésitaient pas à massacrer les populations pour préserver leurs intérêts. Il y avait dans sa voix une majesté, un je-ne-sais-quoi de profondément plaisant, ce ton qui fait qu’on pourrait l’écouter parler pendant des heures, quel que soit le sujet. Il y avait cette façon de dire les choses également dans les voix de Sacha Guitry ou de Louis Jouvet, avec emphase, ou neutralité mais la langue était belle et chantante.
Parmi ces messieurs avec des voix, des mots, une diction, il y avait également Noël Roquevert ou Raymond Bussières le gouailleur…
Aujourd’hui, qui peut se targuer d’avoir cette langue, à part quelques uns comme Alain Badiou… Je n’ai même pas d’autres exemples sous la main.
Mais en parlant de voix, avez-vous remarqué cette voix de tueuse et ce regard terriblement sensuel d’Anna Calvi, découverte au Grand Journal ? On ne sort pas indemne de cette Moulinette qui n’est pas sans rappeler Chris Isaac ou Nick Cave.
[audio:Moulinette.xol]
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Feb 8, 2011 | Arts |
J’avais déjà eu, il y a quelques temps de cela, l’occasion de m’énerver contre les artistes contemporains qui ont perdu en route toute la signification intrinsèque comme représentation de la nature, en le dévoyant et en en faisant un auto-représentation de la modernité, comme si finalement, l’art se représentait lui-même. On voit l’absurdité de la chose. Je m’étais énervé parce que j’avais eu l’occasion de voir des œuvres contemporaines qui me semblaient ne rien avoir à dire. Et ce week-end, je me suis rendu à nouveau au Centre Pompidou, voir les nouvelles œuvres de l’exposition permanente, ainsi qu’accessoirement l’exposition elles@centrepompidou.
Je vais certainement passer pour un réactionnaire alors que j’ai passé une partie de mes jeunes années à défendre l’art contemporain, ce qui même à l’orée du XXIè siècle ne va pas de soi, mais cette exposition est réellement merdique. Je n’ai jamais vu ça. Je suis désolé pour les femmes qui ont exposé ici, mais c’est tout tout simplement navrant. En plus de la tonitruante et nauséabonde ORLAN, j’ai assisté à une débauche inutile d’œuvres incompréhensibles, illisibles sans la notice, ou alors par un esprit supérieur, ce qui inviterait clairement à laisser croire que celui qui la reçoit est un imbécile. C’est cela le problème. L’œuvre est livrée ou non avec le mode d’emploi, mais quoi qu’il en soit, celui-ci est indispensable. Si la plupart des chefs d’œuvres de l’art ne sont pas forcement compréhensibles par le plus grand nombre, ils sont au moins appréhensibles aisément, c’est à dire qu’aucune barrière ne vient freiner leur lecture. Un art qui a besoin de justifier sa démarche, c’est du vent, c’est une construction intellectualiste qui se vide de son signifiant, une complexe machine qui ne produit rien. Une perte de temps manifeste.
Ce que les artistes d’aujourd’hui ont du mal à comprendre, c’est qu’un objet d’art doit pouvoir vivre à l’extérieur d’un musée. A l’intérieur, ils sont mis en scène, mais doivent avoir leur vie propre. Sortie de son musée, la victoire de Samothrace reste belle, tout comme les Noces de Cana de Veronese ou la Joconde. Pas besoin d’un musée. En revanche la plupart des choses exposées dans ce centre Pompidou ne valent rien en dehors de l’endroit où elles se trouvent. Déjà à l’intérieur, c’est loin d’être évident et c’est d’autant plus triste que cette exposition donne une bien piètre image des femmes artistes contemporaines.
Tout me porte à croire que ne sont artistes ceux qui ont su entrer dans le cercle restreint des plasticiens à haute teneur en plasticité, mais à faible valeur nutritionnelle pour l’art lui-même.
J’ai toutefois un bemol à apporter à cette critique sévère : la présence de l’artiste vidéaste suisse Pipilotti Rist qui à elle seule réussit à enchanter une exposition qui fout mal au crâne par son installation douce et parfaitement réalisée.
Dans les collections permanentes, j’ai redécouvert également les œuvres constructivistes de Yakov Georgievich Chernikhov, juste quelques croquis simples et contrastés, dignes d’une grande exposition.
Heureusement que parfois, au milieu du chaos, on distingue la beauté des jolies choses, comme le chant un peu rauque d’une jolie femme, et heureusement que là-haut, on peut voir le soleil se coucher sur Paris et ses hautes églises…
[audio:themagic.xol]
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Feb 6, 2011 | Arts, Sur les portulans |
Des récents événements partis d’Égypte me remontent des envies de voyage. Les livres s’étalent sur la table, les cartes sont à nouveau dépliées, je compulse les guides dans tous les sens, de manière frénétique. Évidemment, d’ici à ce que la situation redevienne stable, il va se passer du temps, de quoi préparer un voyage certainement, mais ma soif de partir est la plus forte et devient presque irrationnelle. Elie Faure, l’historien de l’art, fait partie de ces instants, et je ressors des notes prises au hasard de ce voyage littéraire qu’il m’offrit l’année dernière, que j’avais dignement appelé Lettres d’Amarna… Tell el-Amarna, capitale mythique des époux dissidents Akhenaton et Nefertiti (dont le superbe buste de Berlin fit la renommée)…
Elie Faure revient dans sa préface sur le peu de place qu’occupe l’art égyptien dans son “histoire de l’art”, il nous explique que s’il en a finalement si peu à dire, c’est que celui-ci ne fait absolument montre d’aucune espère de fantaisie…
Je rougis presque d’avoir consacré plusieurs chapitres à l’art grec, ou italien, ou français, alors que l’Égypte tient dans un seul, et non point le plus long de tous. Mais, à la réflexion, il me semble qu’il ne pouvait en être autrement. L’art égyptien est si hautain, si hermétique, si fermé de toutes parts, si profondément solitaire, si décidé à se suffire à lui-même, n’accueillant jamais le détail pittoresque, l’anecdote, l’accident, ne soupçonnant même pas qu’il puisse émouvoir, il est aussi, avec cela, dans sa simplicité ardente, si humain, que je trouve aussi difficile d’épiloguer sur n’importe laquelle de ses réalisations que sur ses Pyramides par exemple, alors qu’il est impossible de ne pas expliquer longuement les formes figurées dont le drame et le mouvement sont le prétexte essentiel. (p77)
Malgré ses couleurs vives, ses polychromies élancées, sa rigueur religieuse l’a enserré dans griffes et l’a au bout du compte tué. Le sphinx prend sur lui la métaphore de cet oubli…
Elle s’est enfoncée sans un cri dans le sable, qui a repris tour à tour ses pieds, ses genoux, ses reins, ses flancs, mais que sa poitrine et son front dépassent. (p79)
Plus que tout autre, l’art égyptien est un art dédié à la mort et non à la vie ou à la renaissance.
L’art égyptien est religieux et funéraire. Il est parti de la folie collective la plus étrange de l’histoire. (p85)
Dans une société sans fantaisie, Faure nous explique le rôle de l’artiste, celui qui sublima l’Égypte par ses réalisations. Il n’était qu’un pion, un soldat dans une armée sans nom…
L’artiste égyptien est un ouvrier, un esclave qui travaille sous le bâton, comme les autres. Il n’est pas initié au sens mystique. Nous savons mille noms de rois, de prêtres, de chefs de guerre et de villes, nous n’en savons un de ceux qui ont exprimé la vraie pensée de l’Égypte, celle qui vit toujours dans la pierre des tombeaux. L’art était la voix anonyme, la voix muette de la foule broyée et regardant au-delà d’elle l’esprit et l’espoir tressaillir. Soulevé par un sentiment irrésistible de la vie auquel il était interdit de se déployer en surface, il le laissait, dans toute sa foi comprimée, brûler en profondeur. (p93)
Et au milieu de cette armée, celui qui transfigure la personne de Pharaon doit pousser l’abnégation jusqu’à n’être rien pour donner autant d’émotion. Aucun nom d’artiste égyptien n’est arrivé jusqu’à nous. On dit pourtant que le mot Égypte vient des deux noms de dieux Geb (la terre) et Ptah (dieu des arts), Égypte, terre des artistes sans nom…
L’art égyptien est peut-être le plus impersonnel qui soit. L’artiste s’efface. Mais il a de la vie un sens si intérieur, si directement ému, si limpide, que tout ce qu’il décrit d’elle semble être défini par elle, sortir du geste naturel et de l’attitude exacte dont on ne voit plus la laideur. (p101)
Pour remettre les choses dans l’ordre, Faure insiste également sur le fait que notre vision de cette époque s’étend de manière linéaire alors que son expansion prend ses marques sur une période immense. C’est d’ailleurs très certainement la raison pour laquelle cette civilisation n’a pas su évoluer, enfermée dans son art et sa représentation de la mort…
L’Égypte est si loin de nous qu’elle parait toute au même plan. On oublie qu’il y a quinze ou vingt siècles — l’âge du christianisme — entre le Scribe accroupi et la grande époque classique, vingt-cinq ou trente siècles, cinquante peut-être, — deux fois le temps qui nous sépare de Périclès et de Phidias — entre les Pyramides et l’école saïte, la dernière manifestation de l’idéal égyptien. (p110)
Tous les extraits sont issus de Elie Faure, Histoire de l’art, t.1
(Folio Essais, imprimé en 1988)
Les photos ont toutes été prises au département des antiquités égyptiennes du musée du Louvre, le 1er avril 2007.
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