Mar 25, 2010 | Arts |
Apprendre l’art nĂ©cesÂsite plus que des desÂcripÂtions. Son hisÂtoire est pĂ©trie de toutes les diverÂsiÂtĂ©s des peuples du monde et de mysÂtères qui resÂteÂront peut-ĂŞtre Ă jamais scelÂlĂ©s derÂrière le morÂtier des temples les plus anciens, et c’est prĂ©ÂciÂsĂ©Âment cela qui le rend attrayant. TouÂteÂfois, apprendre l’art sans le voir, c’est un peu comme resÂter au pied de la pyraÂmide et ne pas pouÂvoir y entrer, une incroyable frusÂtraÂtion, ça a besoin de texte mais ausÂsi d’iÂmages, de reproÂducÂtions qu’on idoÂlâtre comme de saintes icĂ´nes parce que l’iÂsoÂleÂment dans les musĂ©es, leur Ă©loiÂgneÂment et parÂfois mĂŞme l’iÂsoÂleÂment dans des caves Ă l’aÂbri de l’huÂmiÂdiÂtĂ©, de la lumière et des yeux malÂveillants du public, tout ceci nous rend le tĂ©moiÂgnage du pasÂsĂ© peu verÂbeux. MalÂraux avait cette vision des choses :
« Il apparÂtient Ă l’hisÂtoire de donÂner aux Ĺ“uvres toute leur part du pasÂsĂ©, mais il apparÂtient Ă cerÂtaines images d’en rĂ©vĂ©Âler l’éÂnigÂmaÂtique part de prĂ©Âsent, sans laquelle l’hisÂtoire de l’art devienÂdrait sĹ“ur de celle du cosÂtume ou de l’ameublement. »
AndrĂ© MalÂraux, L’UÂniÂvers des formes, GalÂliÂmard, 1960
Pour illusÂtrer cette hisÂtoire, il a vouÂlu une immense fresque de la plus belle hisÂtoire de notre humaÂniÂtĂ©, qui se traÂduit aujourd’Âhui par une colÂlecÂtion unique au monde, L’uÂniÂvers des formes, Ă©diÂtĂ©e par GalÂliÂmard en 42 volumes, venÂdue Ă ce jour Ă plus de 800 000 exemplaires.
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Mar 25, 2010 | Histoires de gens, Livres et carnets |
Nasr Eddin HodÂja est un perÂsonÂnage mythique de la culture musulÂmane, dont les innomÂbrables avenÂtures qu’on lui prĂŞte ont Ă©tĂ© traÂduites, voire Ă©crites dans des dizaines de langues. Ayant rareÂment des verÂtus morales, ses hisÂtoÂriettes sont la pluÂpart du temps drĂ´les, voire coquines. Le HodÂja est assoÂciĂ© Ă la ville turque de AkĹźeÂhir, oĂą il a sa tombe, rĂ©puÂtĂ©e n’être qu’un canular.
Nasr Eddin, un jour, est de pasÂsage dans une petite ville dont l’iÂmam vient de mouÂrir. Les habiÂtants, preÂnant le voyaÂgeur pour un saint homme, lui demandent de proÂnonÂcer le serÂmon du venÂdreÂdi. Il monte en chaire et interÂpelle la nomÂbreuse assistance :
— Chers frères, savez-vous de quoi je vais vous parler ?
— Non, non, font les fidèles, nous ne le savons pas.
— ComÂment ? s’éÂcrie Nasr Eddin en colère, vous ne savez pas de quoi je vais vous parÂler dans ce lieu consaÂcrĂ© Ă la prière ! Je n’ai rien Ă faire avec de tels mĂ©crĂ©ants.
Et le voiÂlĂ qui desÂcend de la chaire et quitte la mosquĂ©e.
ImpresÂsionÂnĂ©es par cette sorÂtie qui les confirme dans leur convicÂtion que l’homme est d’une grande piĂ©ÂtĂ©, les gens s’empressent d’alÂler ratÂtraÂper le HodÂja et le supÂplient de reveÂnir prĂŞÂcher. Il remonte alors en chaire :
— Chers frères, vous savez peut-ĂŞtre Ă prĂ©Âsent de quoi je vais vous parler ?
— Oui, oui, répondent en chœur les fidèles, nous le savons !
— Fils de chiens ! tonne Nasr Eddin. Par deux fois, vous m’imÂporÂtuÂnez pour que je prenne la parole, et vous prĂ©ÂtenÂdez savoir ce que je vais dire !
Il quitte alors de nouÂveau les lieux, laisÂsant derÂrière lui l’asÂsemÂblĂ©e stuÂpĂ©Âfaite : que faut-il donc rĂ©pondre pour qu’un tel saint accepte de rĂ©pandre ses lumières ?
Une des perÂsonnes de l’asÂsisÂtance proÂpose que si la quesÂtion est encore posĂ©e, les uns crient : « Oui, oui, nous le savons ! », et les autres : « Non, non, nous ne le savons pas ! » L’iÂdĂ©e est reteÂnue, et l’on court cherÂcher le HodÂja, qui monte en chaire pour la troiÂsième fois :
— Chers frères, savez-vous enfin de quoi je vais vous parler ?
— Oui, oui, rĂ©pondent cerÂtains, nous le savons !
— Non, non, crient d’autres, nous ne le savons pas !
— A la bonne heure, conclut Nasr Eddin. Dans ces condiÂtions, que ceux qui savent le disent aux autres.
Sublimes paroles et idioÂties de Nasr Eddin HodÂja,
trad. J.-L. MauÂnouÂry, PhĂ©Âbus LibretÂto, 1990
Je dĂ©die ce billet Ă mon grand-père, qui, j’en suis cerÂtain, l’auÂrait beauÂcoup fait rire.
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